Le Violon baroque

Le violon et sa technique n'ont plus de secret pour vous. Vous êtes une aide précieuse pour nos néophytes... n'hésitez pas à partager vos connaissances.
Avatar de l’utilisateur
Chanterelle
Messages : 1805
Inscription : lun. 25 juil. 2005 19:29
Pratique du violon : 55
Sexe : Homme
Localisation : Nice
Been thanked : 20 times

Message par Chanterelle »

:unsure: Sur le plan musical,respect de la grammaire de l'époque,temps forts ,temps faibles,rythmes hémioliques,gavottes et menuets réellement dansants (suites de Bach),nul doute que les ensembles réllement baroques sont plus près de la vérité...si l'on en croit les traités de l'époque...
Maintenant il faut se laisser guider par l'émotion et accepter d'être touché par un grand artiste "moderne" quand celui-ci ne triche pas et annonce clairement sa conception moderne avec l'instrument contemporain habituel.(Milstein,Grumiaux)
Ce n'est pas le cas de Biondi ou Mullova qui laissent planer le doute sur l'instrument qu'ils manipulent en s'abritant derrière des cordes en boyau nu...Personnellement,Biondi m'ennuie avec son unique spiccato permanent,je préfère encore Mullova qui au moins essaie de bien faire avec ses moyens modernes.Mais je suis davantage touché par un Accardo,un Félix Ayo,une Pina Carmirelli,ces artistes modernes qui ont su en leur temps (I Musici)dépoussierer cette musique et lui donner de la couleur.Il est vrai que ces musiciens m'intéressent encore et que certains ensembles baroques ou pseudo baroques m'ennuient.
Mais le mouvement baroque actuel a le mérite de nous donner une idée plus exacte de ce qui se faisait si l'on se donne la peine de lire les traités de Quantz,de L'Abbé le Fils,de Corrette, de Géminiani,de Léopold Mozart par exemple.
" Au conservatoire , j'ai appris ce qu'il ne fallait pas apprendre "
Ivry Gitlis
Avatar de l’utilisateur
renaud
Messages : 1201
Inscription : ven. 2 juin 2006 10:56
Pratique du violon : 30
Sexe : Homme
Localisation : Epinay-sur-Seine 93

Message par renaud »

Il y a beaucoup à dire sur les "interprétations baroques".

Le choix de l'instrument? Entre moderne et baroque, ça change beaucoup, certes, mais est-ce là l'important? Quel que soit l'instrument, le résultat dépend d'abord de celui qui joue, de sa compréhension de la pièce et de la maîtrise de son instrument.
La fugue en sol mineur pour violon solo existe dans une version pour orgue. Y a t-il plus de différence entre un violon baroque et un orgue, qu'entre un violon baroque et un violon moderne? De même le prélude en mi Majeur existe dans une cantate, orchestré. Je ne crois pas que le choix de l'instrument soit fondamental. C'est du même accabit que de dire que seul un allemand peut bien jouer Brahms, "athentiquement".

Et pourquoi, au fait, les violons de l'époque seraient plus authentiques ou mieux adaptés? Ils étaient satisfaits de leurs instruments les musiciens de l'époques? Qui le sait?

Il y a certes un grand intérêt à jouer avec cordes en boyaux, sans mentonnière, etc...,et connaitre les possibilités et les limites de l'instrument auxquel se référaient les musiciens de l'époque. Mais ce n'est pas tout.

Il faut en outre éviter l'amalgame instrument et style. Souvent lorsqu'on se lamente sur une interprétation sur violon moderne, ce n'est pas l'instrument qui est en cause, mais bien celui qui joue. Ce sont deux choses différentes.

L'interprétation "authentique"... Là encore, vaste sujet.
D'abord, est-ce forcément les musiciens de l'époque qui jouaient le mieux les pièces de leur époque? Est-ce à l'époque de Bruckner que l'on a le mieux joué ses symphonies? Est-ce à l'époque de Berg que l'on a le mieux joué son concerto? Et faut-il le jouer avec un mi boyau pour le jouer mieux? Les cordes en acier sont arrivées après...
Plus l'oeuvre est riche et plus la question se pose, être au niveau d'un Bach est un défi gigantesque, quel que soit l'instrument.
Le rendu polyphonique d'une fugue est-il mieux rendu sur un clavecin ou un piano?
Bach et Couperin ont, au contraire de leur contemporains, écrit méticuleusement leur ornementation parce qu'ils n'étaient pas satisfaits de ce que faisait les minstrumentistes de leur temps!

L'idée est très tentante. "C'est comme à l'époque"... donc "c'est mieux", mais sur quels critères?

Pas si évident.

Ensuite la question est de savoir si c'est vraiment comme à l'époque. Sur quoi se base t-on? Des traités. A qui sont-ils destinés? Aux débutants! Qui écrit un traité pour les meilleurs musiciens de son temps, pour leur dire comment jouer? Il y a beaucoup à apprendre dans les traités, et je ne regrette pas mon expérience de violoniste baroque dans beaucoup d'aspects. Connaitre les danses, leurs caractéristiques, l'ornementation, etc... est un savoir fondamental.

Mais après, il ne faut pas oublier que l'essentiel n'est pas écrit!

Que'est-ce que le "style baroque"? C'est ce que certains musiciens du XXème siècle ont compris, ou prétendu comprendre, sur la base de témoignages, écrits de l'époque. Il ne faut pas oublier la fragilité des deux (la source, qui ne nous donne que des indications limitées, et le musicien du XXème, qui peut comprendre de travers).

Je terminerai en disant que les stars que le monde du baroque nous affiche ne sont pas toujours des musiciens sincères et de valeur. William Christie est un arriviste qui n'a pas le moindre soucis d'authenticité. Je sais de quoi je parle, j'ai fait une tournée sous sa direction et personne dans l'orchestre, le choeur et les solistes n'avaient le moindre respect pour lui. La plupart du temps il voulait juste un effet assez gros pour qu'il soit "entendu du 3ème balcon". Un musicien a lancé un jour en pleine répétition "on se croirait chez Karajan, ici!".

Désolé si je brise un mythe.

Mon objectif n'est certainement pas de "casser du baroque", même si je sens bien que ça peut être pris comme ça. Je veux juste éviter que l'on tombe dans les idées toutes faites, et ouvrir le questionnement. Il faut savoir remettre en cause les évidences.
Dans l'obscurité existe la lumière,
Ne regardez pas avec une vision obscure,
Dans la lumière existe l'obscur,
Ne regardez pas avec une vision lumineuse.
(extrait du San Do Kai, de maître Sekito)
thholzman
Messages : 124
Inscription : mer. 18 avr. 2007 21:07
Pratique du violon : 0
Localisation : Washington, DC, E-U

Message par thholzman »

Amen, Renaud! Bien dit.
Avatar de l’utilisateur
thé
Messages : 626
Inscription : mer. 11 juil. 2007 06:41
Pratique du violon : 0
Localisation : alsace

Message par thé »

C'est magnifiquement argumenté Renaud, un plaisir à lire..

Merci _biz_
On ne connaît que les choses que l'on apprivoise..
Antoine De SAINT-EXUPÉRY, Le Petit Prince.
Avatar de l’utilisateur
gillesweb
Messages : 2567
Inscription : lun. 13 nov. 2006 11:27
Pratique du violon : 4
Sexe : Homme
Localisation : Dunkerque
Contact :

Message par gillesweb »

C'est toujours un plaisir de vous lire.

_biz_
Avatar de l’utilisateur
yodeyma
Messages : 2450
Inscription : mar. 14 juin 2005 17:55
Pratique du violon : 0
Sexe : Homme

Message par yodeyma »

renaud :wub: _biz_
Avatar de l’utilisateur
Chanterelle
Messages : 1805
Inscription : lun. 25 juil. 2005 19:29
Pratique du violon : 55
Sexe : Homme
Localisation : Nice
Been thanked : 20 times

Message par Chanterelle »

^_^ Je rectifierais quelque chose quand même:si l'on est pas pris par la curiosité et si la patience de lire les traités cités plus haut nous effraie car c'est fastidieux,alors je comprends la réaction de Renaud.Mais tout est dit dans ces traités,même la manière de poser l'archet sur la corde est décrite avec précision par Tartini,Léopold Mozart ou l'Abbé le Fils.
On sait comment on jouait à l'époque ,ou plutôt,on peut s'en faire un idée précise.
Bien sûr Bach est toujours magnifique,même joué à l'accordéon !
Le prélude en MI M a été orchestré par lui-même et les fugues de ses sonates et partitas pour violon seul se jouent aussi au luth ou à la guitare.
Est-ce une raison pour ne pas respecter ses manuscrits ?
Sans être un ayatollah du violon baroque,je respecte ceux qui ont osé faire la démarche vers les manuscrits,les partitions originales,et les traités de l'époque.Ils se sont heurtés à de véritables murs ,à une opposition systématique et bornée de ceux qui ont eu peur de se voir privés de tout l'espace musical baroque,comme Isaac Stern par exemple.
Aujourd'hui,plus personne n'ose jouer les "Quatre Saisons" sans mettre au moins des cordes en boyau sur les instruments.
Mais il est vrai que l'instrument importe moins que la musicalité,la personnalité du musicien et la façon dont il sait rendre la partition intéressante ou non....Là,nous nous rejoignons,n'importe quel instrument dans des mains compétentes peut nous donner l'émotion et c'est là l'essentiel. ;)
" Au conservatoire , j'ai appris ce qu'il ne fallait pas apprendre "
Ivry Gitlis
Franck
Messages : 14
Inscription : dim. 16 sept. 2007 00:36
Pratique du violon : 0
Localisation : Chambéry
Contact :

Message par Franck »

Renaud...un grand merci...je suis tout à fait d'accord avec vous!!!je rajouterais en plus que la musique de l'époque présente des nettes différences selon les pays et qu'un ensemble peut très bien jouer lully ou rameau et être nettement moins convaincant dans bach, telemann ou vivaldi...ou un ensemble (ou un violoniste) brillant dans vivaldi peut ne pas l'être dans bach ou la musique française (je ne vois pas de qui je veux parler...)...
Zino
Messages : 31
Inscription : mar. 28 nov. 2006 08:30
Pratique du violon : 0
Localisation : Levallois-Perret

Message par Zino »

^_^ J'ai tendance à être d'accord avec la distinction apportée par Chanterelle.Les tricheurs n'apportent rien,autant écouter I Musici ou I Solisti Veneti que les Biondi ou autres Mullova.J'avoue que je suis sensible au retour total vers ce que l'on appelle l'authenticité.Peu importe qu'il s'agisse ou non d'une véritable authenticité,ce qui compte c'est le dépaysement ,la transparence des sonorités,la pâte sonore plus légère,la musique plus vivante et que chaque membre de ces orchestres joue le même type d'instrument pour le plaisir incomparable d'une véritable homogénéité. :rolleyes:
Avec l'étang,tout s'envase !
Avatar de l’utilisateur
renaud
Messages : 1201
Inscription : ven. 2 juin 2006 10:56
Pratique du violon : 30
Sexe : Homme
Localisation : Epinay-sur-Seine 93

Message par renaud »

Chanterelle a écrit :^_^ Je rectifierais quelque chose quand même:si l'on est pas pris par la curiosité et si la patience de lire les traités cités plus haut nous effraie car c'est fastidieux,alors je comprends la réaction de Renaud.Mais tout est dit dans ces traités,même la manière de poser l'archet sur la corde est décrite avec précision par Tartini,Léopold Mozart ou l'Abbé le Fils.
On sait comment on jouait à l'époque ,ou plutôt,on peut s'en faire un idée précise.
Bien sûr Bach est toujours magnifique,même joué à l'accordéon !
Le prélude en MI M a été orchestré par lui-même et les fugues de ses sonates et partitas pour violon seul se jouent aussi au luth ou à la guitare.
Est-ce une raison pour ne pas respecter ses manuscrits ?
Sans être un ayatollah du violon baroque,je respecte ceux qui ont osé faire la démarche vers les manuscrits,les partitions originales,et les traités de l'époque.Ils se sont heurtés à de véritables murs ,à une opposition systématique et bornée de ceux qui ont eu peur de se voir privés de tout l'espace musical baroque,comme Isaac Stern par exemple.
Aujourd'hui,plus personne n'ose jouer les "Quatre Saisons" sans mettre au moins des cordes en boyau sur les instruments.
Mais il est vrai que l'instrument importe moins que la musicalité,la personnalité du musicien et la façon dont il sait rendre la partition intéressante ou non....Là,nous nous rejoignons,n'importe quel instrument dans des mains compétentes peut nous donner l'émotion et c'est là l'essentiel. ;)
Je dois dissiper quelques malentendus. Tout d'abord, même si je n'ai pas lu tous les traités, j'en ai lu certains (Geminiani, Leopold). Je conteste juste l'affirmation que "tout est dit dans les traités" et qu'ils permettent de se faire "une idée précise de comment on jouait". Vous connaissez beaucoup de traités qui permettent de se faire un idée de comment on jouait au XXème siècle? Jusqu'à un certain point, oui. Mais après... Est-ce qu'on trouve ce qui fait la différence entre une exécution propre techniquement et une exécution qui nous tire les larmes?
Depuis que j'ai prêté mon "Léopold", je n'ai pas eu le loisir de m'y replonger (on ne me l'a pas rendu!). Certes c'est important de savoir que l'on jouait sans mentonnière, de voir les illustrations de la "bonne position du violon", etc. Mais, précisément, "tout" n'est pas dit. Toutes le ornementations recensées sont une bible, mais l'art de les utiliser au bon moment, c'est dans la pratique, dans l'expérience, dans l'écoute. C'est très important de connaitre ces traités, et très instructif. Mais, par exemple, se limiter au coups d'archets de Muffat lorsqu'on tombe sur une mesure à trois temps me parait idiot. Les méthodes sont faites pour ceux qui apprennent! Très souvent on y trouve des choses basiques que l'on remet en cause avec l'expérience selon la pièce, la fonction de chaque note, etc...
De plus, il est difficile de savoir si une méthode est originale par rapport à ce qui se pratique, "avant-gardiste", ou si elle est dans l'air du temps. Je suis parfois très critique sur ce qu'on enseigne dans nos conservatoire, concernant l'archet, par exemple, et je déplorerais que l'on cherche à imiter ça dans trois siècles, sous prétexte d'authenticité en voulant jouer le concerto de Dutilleux.
Personnellement, je travaille les sonates et partitas sur la base du manuscrit original. Par contre, si je n'arrive pas à faire une grande liaison, je préfère couper l'archet, plutôt que ça sonne moins bien. Je précise au passage que les manuscrits ne sont pas connus que des baroqueux.
J'ai entendu une fois un enregistrement de quelqu'un qui prétendait avoir reconstitué la "technique de Paganini", à partir des illustrations, des témoignages, etc... Le résultat? C'était peut-être un bon chercheur musicologique, mais pas un bon violoniste. Il ne faut pas oublier le reste: La technique de Paganini, sans son hyperlaxie, ses grandes mains, son charisme, son oreille, que reste-t-il de l'authenticité?
Ceux qui se sont opposés aux musiciens baroques? A priori, je trouve qu'ils sont idiots si c'est pour des raisons de carrière. Mais si personne n'ose jouer les quatre saisons sans un mi boyau, n'est-ce pas tout aussi idiot? Si c'est un dictat contre un autre dictat, la question ne m'intéresse plus. On n'est plus dans une réflexion musicale. Et tous ceux qui pratiquent le baroque ne sont pas des anges désintéressés. Les baroqueux les plus intéressants, les plus sincères, que j'ai cotoyés ne sont pas forcément les plus connus.
Dans l'obscurité existe la lumière,
Ne regardez pas avec une vision obscure,
Dans la lumière existe l'obscur,
Ne regardez pas avec une vision lumineuse.
(extrait du San Do Kai, de maître Sekito)
Avatar de l’utilisateur
Chanterelle
Messages : 1805
Inscription : lun. 25 juil. 2005 19:29
Pratique du violon : 55
Sexe : Homme
Localisation : Nice
Been thanked : 20 times

Message par Chanterelle »

Si l'on fait confiance à Tartini,il résume toute la technique d'archet dans la lettre à son élève la signorina Lombardini....Et si on écoute un violoniste baroque appliquer ces principes,on ne peut qu'être séduit par l'absence de dureté,le charme de la corde mise progressivement en vibration par le soin pris en posant l'archet sur la corde et cela même dans les passages rapides.Vous avez raison,les violonistes baroques authentiques sont les moins médiatisés et ils sont rares,mais ils valent le déplacement.Moi,j'aime Zajicek,Gatti,Fernandez,Bezzina,Cuiller.Que l'on ne me parle pas de Biondi....
Vous évoquez je crois le cas de Losco,spécialiste de Paganini...Son père a fait de remarquables recherches sur la technique paganinienne.Le seul reproche que je ferais à Losco c'est de vouloir gommer le côté échevelé de cette musique en voulant la jouer un peu "à la baroque".Mais la démarche est intéressante.Et je ne suis pas d'accord,c'est un excellent violoniste et un musicien complet dont beaucoup de violonistes d'orchestre feraient bien de s'inspirer !
Il faut avouer qu'écouter un ensemble jouer du Vivaldi ou du Rameau dans une communion de style et avec des cordes en boyau apporte une dimension supplémentaire.
Lorsque les violonistes concertistes comme Kreisler,Francescatti,Flesh,sont passés à la chanterelle de métal,ils l'on fait un peu par obligation pour des questions de fiabilité et de solidité mais tous ont convenu qu'ils y perdaient en qualité de son car ,comme le dit Flesh dans l'Art de jouer du violon,l'acier ne fera jamais oublier la richesse de timbre du mi en boyau nu.
Il n'y a pas là de diktat mais un simple constat.
" Au conservatoire , j'ai appris ce qu'il ne fallait pas apprendre "
Ivry Gitlis
Avatar de l’utilisateur
renaud
Messages : 1201
Inscription : ven. 2 juin 2006 10:56
Pratique du violon : 30
Sexe : Homme
Localisation : Epinay-sur-Seine 93

Message par renaud »

Je suis d'accord que le mi boyau a des avantages incontestables pour la sonorité (et aussi pour les oreilles de celui qui joue!)... A condition de savoir le jouer, bien sûr, sinon c'est horrible! Et l'évolution qui a eu lieu au XXème siècle est à l'image de ce qui s'est fait avant (passage du clavecin au pianoforte puis au piano, par exemple), c'est-à-dire, le plus souvent, la recherche de puissance sonore (pour simplifier).

Le diktat dont je parle ne concerne pas vraiment cela, et je n'ai pas été clair. Je parlais du danger de ne plus oser jouer des pièces baroques si l'on est pas estampillé "baroqueux", avec les instruments, les cordes, etc.. Il me semble que cette peur existe bien, et qu'elle peut tout aussi bien être entretenue par certains baroqueux carrièriste, qui auraient intérêt à ce que cette idée perdure. Mais je ne limite pas le baroque à cela. Au début de ce mouvement, il me semble qu'il y avait moins de risque de tomber sur des personnalités de ce genre, lorsque cette recherche était encore discrète. Dès qu'il y a eu plus de notoriété, d'engouement, d'intérêts en jeu, ça a attiré des personnalités moins sincères, inévitablement.

On peut jouer des pièces baroques sur instruments modernes, même s'il n'est pas fait "pour ça" au départ. C'est plus exigeant et difficile pour cette raison, mais c'est possible. Et je considère alors qu'il est important de connaitre les caractéristiques des instruments de l'époque, et tout le reste, pour éviter des contresens musicaux. Tout cet acquis est un plus incontestable, mais il n'est pas tout, reste à savoir ce qu'on en fait...

Le sectarisme, dans un sens ou dans l'autre serait absolument regrettable.

Pour l'anecdote, lorsque j'ai passé mon prix de violon baroque au CNSM, en 1999, le président du jury (chef d'orchestre et de choeur assez connu), m'avait sorti que c'était "un contresens historique de jouer sans partition", après un programme Frescobaldi, Bach, Couperin, Tartini.
Il y a des ânes partout!
Dans l'obscurité existe la lumière,
Ne regardez pas avec une vision obscure,
Dans la lumière existe l'obscur,
Ne regardez pas avec une vision lumineuse.
(extrait du San Do Kai, de maître Sekito)
Avatar de l’utilisateur
thé
Messages : 626
Inscription : mer. 11 juil. 2007 06:41
Pratique du violon : 0
Localisation : alsace

Message par thé »

Vos argumentations sont passionnantes :wub: , en fait cela me fait penser, vu par mes yeux de candide, à la restauration d'oeuvres de maîtres en peinture.

Les matériaux ne sont pas les mêmes, même si on essaye de s'en approcher, le coup de main non plus.. et le restaurateur fait même en sorte que la restauration soit visible par un oeil averti pour ne pas trahir l'artiste... On ne peut reproduire à l'identique l'intention d'un artiste, on peut juste s'en approcher et l'important je crois comme le dit Renaud, c'est l'émotion qui va se dégager de l'oeuvre finale.. ce pourquoi en fait, elle a été créée..

Car si on veut être puriste, il faudrait également pouvoir contempler ou écouter les oeuvres avec les yeux et les oreilles et donc la sensibilité spécifique des contemporains de l'artiste.. ^_^

Le sectarisme, dans un sens ou dans l'autre serait absolument regrettable
Je trouve cette phrase merveilleuse _biz_ _biz_

En tous cas votre débat est passionnant et plus on vous lit, plus on a envie... de vous entendre aussi :wub: .. toutes ces connaissances doublées d'une telle passion .. c'est délicieux ^_^ merci de nous les faire partager _biz_ ça donne vraiment envie d'en savoir encore plus .. ^_^
On ne connaît que les choses que l'on apprivoise..
Antoine De SAINT-EXUPÉRY, Le Petit Prince.
Avatar de l’utilisateur
Chanterelle
Messages : 1805
Inscription : lun. 25 juil. 2005 19:29
Pratique du violon : 55
Sexe : Homme
Localisation : Nice
Been thanked : 20 times

Message par Chanterelle »

^_^ Renaud,je crois que nous sommes finalement d'accord sur l'essentiel:c'est le résultat qui compte,c'est-à-dire la création de l'émotion.
Ce qui est amusant c'est que nous nous sommes sans doute croisés dans quelques ensembles dits "baroques"...Ce que vous dites sur Christie m'a déjà été rapporté...En revanche,j'ai connu l'excellent et débonnaire Malgoire dans les années 80 qui avait dans ses rangs (La Grande Ecurie) trois ou quatre violonistes qui ont tous fondé leur propre orchestre par la suite:Cuiller, Holloway,Bezzina.
Ceux-là sont des baroqueux authentiques peu médiatisés et pourtant riches d'enseignement.
Vous avez raison quand vous dites en fait qu'il n'y a rien de pire que le sectarisme.Je pratique aussi le violon moderne et il ne me viendrait pas à l'idée de jouer les sonates de Brahms avec un pianoforte et des cordes en boyau.Je pense comme Kuijken que jouer les compositeurs du XIX° avec des instruments dits authentiques est inutile car cette époque marque vraiment une transition (Paganini) vers la recherche de la puissance maximale.C'est le XIX° siècle qui a définitivement consacré l'art du concerto pour grand soliste.Les luthiers,les facteurs de piano recherchent le confort du soliste et lui permettent en augmentant la puissance de l'instrument,de lutter efficacement contre un grand orchestre .
Rien de tel au XVIII°,le violon étant un simple "dessus" au même titre que le hautbois ou la flûte.Le musicien se met au service de la musique,fait preuve de modestie.Les concerti grossi de Corelli,de Muffat,nous montrent à quel point les solistes eux-mêmes se coulent dans
le ripieno.(la farce au sens littéral du terme)
Ma conclusion c'est que le vrai soliste baroque travaille au sein d'un
ensemble.Il prend le temps de la recherche,de la réflexion,commence par jouer des concerti grossi simples avant d'oser se lancer quelques années après dans les concerti de Vivaldi et de Bach.
Je n'ai pas connaissance d'une démarche de ce genre chez ces virtuoses modernes qui se "bombardent" solistes baroques du jour au lendemain.
Je ne connais qu'un exemple de grand soliste international qui a fait une grande partie de sa carrière comme violon solo d'un orchestre de chambre:...c'est Salvatore Accardo .
Il a choisi de garder le violon moderne.Son jeu est bien plus intéressant que celui de bien des violonistes baroques médiatisés.Aussi à l'aise dans Vivaldi que dans Paganini,il nous prouve que l'on peut faire de la musique avec un instrument moderne !Il joue le Stradivarius "Hart",ex Francescatti,qui n'a accepté de le lui vendre qu'après l'avoir entendu dans "La Chaconne" de Bach.
Bon,il est tard,ma répétition m'a crevé,vite,au lit !
Bonne nuit à tous !
" Au conservatoire , j'ai appris ce qu'il ne fallait pas apprendre "
Ivry Gitlis
Avatar de l’utilisateur
Chanterelle
Messages : 1805
Inscription : lun. 25 juil. 2005 19:29
Pratique du violon : 55
Sexe : Homme
Localisation : Nice
Been thanked : 20 times

Message par Chanterelle »

P.S : L'exemple récent proposé par Malkichay est très instructif et sympathique mais l'intervenant aurait dû s'abstenir de jouer...il risque de dégoûter des vocations.... :D
" Au conservatoire , j'ai appris ce qu'il ne fallait pas apprendre "
Ivry Gitlis
Répondre