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Photocopies, éditions modernes, domaine public

Publié : lun. 5 juin 2017 11:28
par jpcoulon
J'ai trouvé la discussion de 2011 sur Mazas, photocopies, conservatoires, domaine public, SEAM et Maître Gitton. Ca dit:
Les partitions des œuvres du domaine public sont totalement libres de reprographie.
Les lois allemande, anglaise et italienne disent clairement qu'une édition moderne d'une oeuvre du domaine public est protégée 25 ans, pour le travail de gravure et d'édition critique et scientifique.

La loi française ne dit rien pour ce cas ?

Re: Photocopies, éditions modernes, domaine public

Publié : ven. 9 juin 2017 05:15
par Remy
Cher Jean-Pierre,

Je ne suis pas avocat ; j’ai par contre un peu d’expérience dans l’édition et dans l’industrie de la music. Mes remarques sur ce sujet ne sont donc ni juridique ni légal, mais seulement le point de vue de quelqu’un qui travaille dans l’édition.

Il est important de faire la différence entre la propriété intellectuelle, éditoriale, et de distribution.

La propriété intellectuelle, elle, disparait au bout de 25 ans (à voir en détails avec un avocat et selon les pays), mais les droits d’éditions se renouvellent ; sachant que l’Editeur / Publisher peut tout simplement faire une réédition tous les 25 ans, et ainsi garder ses droits aussi longtemps que ça lui chante (Walt Disney étant un spécialiste en la matière).

Prenons l’exemple de ce que je travaille en ce moment avec ma prof : Sarabande de Carl Bohm.
Partition gratuite ici : http://classicalsheetmusicgratis.org/wp ... -VN-PF.pdf
Cette partition est libre de « reprographie » pour les raisons suivantes.

1) Prop. intellectuelle : Carl Bohm est décédé en 1920.
2) Prop. éditoriale : la partition a été publiée en 1897.
3) Prop. de distribution : ce PDF est sur un server dont le site web ne demande aucun droit, frai, etc.

Compliquons un peu les choses pour illustrer l’exemple. Ma prof me note au stylo, au-dessus de chaque note, les coups d’archets, doigts, positions 1, 3, etc. ce qui rend la partition vite bazar… Maintenant, comme je suis designer, imaginons que je remette en page cette partition. Au lieu de l’avoir sur une page, je l’étale sur deux ; de là, je mets au propre sur l’ordi toutes les notes de ma prof et décide de faire publier cette version avec un Publisher. A ce moment-là, il sera illégal de reproduire ma partition. Pourquoi ?

1) Prop. intellectuelle : Carl Bohm est toujours décédé en 1920.
2) Prop. éditoriale : ma prof et moi avons apporté une « valeur ajoutée » et avons donc des droits dessus.
3) Prop. de distribution : mon Publisher aura dépensé de l’argent dans l’impression, distribution dans les magasins de music, publicité, etc. Il ne sera donc pas content que quelqu’un reproduise (photocopie) gratuitement son gagne-pain.

Ça se complique très vite sur beaucoup d’œuvres classiques. Beaucoup de ces morceaux ont été écrit à l’origine pour l’orchestre, opéra (etc.) et les versions violon solo, piano violon (pour l’exemple) sont des « remix » sujet a la propriété éditoriale et / ou de distribution. A voir au cas par cas.

L’exemple des Beatles : Si je ne me trompe pas, il est aujourd’hui légal d’utiliser les chansons des Beatles, faire des tournées, vendre des CD, etc., a conditions de n’utiliser uniquement les partitions et paroles. A l’heure actuelle, le Producteur des Beatles a toujours les droits d’enregistrement, car il a dépensé de l’argent dans le studio, mix, arrangement, distribution, etc. et cela lui appartient. Encore une fois, il peut simplement faire une réédition de l’album et c’est reparti pour 25 ans.

Pour résumer : Il est légal de reproduire des partitions de plus de 25 ans, a conditions d’avoir les originaux sous la main. Toutes versions « rééditées » seront sujet aux lois de reproduction. Imaginons, toujours pour l'exemple, que vous entré dans un magasin de music, ouvrez une partition et prenez en photo avec votre Smartphone page par page le bouquin… ça risque de faire désordre.

Il y a aussi une grosse différence entre le légal et le moral. Le légal peut être parfois immoral, et vice versa.

Voilà, c’est tout pour moi.
Et si je me trompe, corrigé moi s’il vous plait…

Bien à vous tous,
Remy

EDIT : j'ai travaillé avec un (gros) éditeur dans le passé (que je ne citerai pas par confidentialité professionnelle). Ces gens ne sont pas bêtes et ont une bonne idée sur « qui photocopie quoi ». Honnêtement, ils laissent passer pour les fans tant que ça reste a petite échelle; sachant qu’un fan va, tout ou tard, achetez l’album, partition ou livre. Par contre, le torrent sur Pirate Bay ne va pas passer du tout.

Re: Photocopies, éditions modernes, domaine public

Publié : ven. 9 juin 2017 08:30
par jpcoulon
Merci. Donc toute édition doigtée a valeur d' <<oeuvre dérivée >> et les 70 ans de protection s'appliquent. Pour le piano il y presque toujours des doigtés. Voir éditions Henle par exemple.

Maître Gitton n'a pas l'air très au courant ! http://www.gitton.net/perception-honteu ... ne-public/

Re: Photocopies, éditions modernes, domaine public

Publié : ven. 9 juin 2017 08:54
par Remy
Maître Gitton possède un vocabulaire que mon pauvre Français n’oserait pas contredire. :gene:

D’un point de vue artistique, légal, et moral, il devrait y avoir un « Wikipedia » de la musique avec toutes les grandes œuvres public, version original, à télécharger gratuitement en PDF, et libre à chacun d’imprimer (ou pas, pour sauver du papier). Ca suit aussi les Droits de l’Homme, toute personne a droit à l’éducation. Aussi pour la postérité, question de patrimoine culturelle. Bref,

Le reste, c’est des conflits d’intérêts et d’interprétations juridiques, à mon humble avis.

Le monde de la music est beau ; le monde de l’industrie de la music l’est moins… X|

Re: Photocopies, éditions modernes, domaine public

Publié : ven. 9 juin 2017 09:09
par jpcoulon
Il me semble que http://imslp.org/wiki/Main_Page est à peu près votre "Wikipedia de la musique".

Leurs règles d'acceptation de nouvelles partitions recoupent ce que vous dites.

Re: Photocopies, éditions modernes, domaine public

Publié : ven. 9 juin 2017 09:26
par Remy
Je ne connaissais pas ce site. Merci. Je n’y ai pas trouvé Bach, par contre, Vivaldi non plus. Je sais bien que ce type de partitions se trouvent (gratuitement) en ligne, mais sont parfois difficile à trouver dans leur version original, et ne sont pas tous regrouper au même endroit.

Comme on parle de partitions, je prévois de m’acheter de la « lecture » lors de mes vacances en France…

Bonne music :hello:

Re: Photocopies, éditions modernes, domaine public

Publié : ven. 9 juin 2017 09:33
par jpcoulon
Remy a écrit : ven. 9 juin 2017 09:26 Je ne connaissais pas ce site. Merci. Je n’y ai pas trouvé Bach, par contre, Vivaldi non plus.
Houlala, il faut que je continue dans Blabla !

Re: Photocopies, éditions modernes, domaine public

Publié : ven. 9 juin 2017 09:57
par PhilippeB
Merci Remy pour ces explications. Un cas paradoxal me turlupine : les éditions "Urtext" d'auteurs anciens devraient être libres de droit puisque urtext = texte original de l'auteur... Qu'en penses-tu?

Re: Photocopies, éditions modernes, domaine public

Publié : ven. 9 juin 2017 13:14
par jpcoulon
La propriété intellectuelle, elle, disparait au bout de 25 ans
Quel est le texte de loi qui le dit clairement ?

Re: Photocopies, éditions modernes, domaine public

Publié : ven. 9 juin 2017 17:18
par Remy
jpcoulon a écrit : ven. 9 juin 2017 13:14
La propriété intellectuelle, elle, disparait au bout de 25 ans
Quel est le texte de loi qui le dit clairement ?
Je n’en ai aucune idée ; le chiffre est complètement illustratif. ;) Et ça dépend des cas, pour un livre, les droits intellectuelles s’héritent (je crois), et quoiqu’il en soit, passé XXX années ça tombe dans le domaine public.
PhilippeB a écrit : ven. 9 juin 2017 09:57 Un cas paradoxal me turlupine : les éditions "Urtext" d'auteurs anciens devraient être libres de droit puisque urtext = texte original de l'auteur... Qu'en penses-tu?
Je ne connaissais pas : Urtext. Paradoxal en effet.

En faisant quelque recherches, je vois qu’il y a un petit débat entre qui est plus Urtext que qui. Il y a aussi l’Urtext Edition Original (rééditer 2017, hey) et l’Urtext Manuscrit. Ça m’a aussi l’air d’être un bon business tenu par une poignée de Publisher. :modo:

Je vois ça comme un musée : c’est pour le public et la postérité, mais ça coute aussi chers à entretenir. On en revient à l’argent, au droit éditorial et de publication.

Cette article (en Anglais, sorry) montre que le business de l’Urtext est un business sérieux, et donc normal de payer pour : http://www.henle.de/blog/en/2013/01/07/ ... -tolerate/

Donc oui, je comprends que l’Urtext soit payant.
Et non, ça devrai être gratuit.

L’industrie de l’Urtext devrait recevoir des subventions. Tout le monde devrait avoir libre accès à un ordinateur, internet et télécharger les œuvres du passé. Fut un temps, Le Louvre était gratuit et les peintres avait le droit de reproduire les toiles des maitres pour les vendre. C’était il y a longtemps…

Bye. :hello:

Re: Photocopies, éditions modernes, domaine public

Publié : sam. 10 juin 2017 06:20
par jpcoulon
Je n’en ai aucune idée ; le chiffre est complètement illustratif. ;) Et ça dépend des cas, pour un livre, les droits intellectuelles s’héritent (je crois), et quoiqu’il en soit, passé XXX années ça tombe dans le domaine public.
Dommage. J'attendais un texte plus précis que "illustratif, je crois, XXX" :)