Allégement du chevalet

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Geigenkaes
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Re: Allégement du chevalet

Message par Geigenkaes »

luigi a écrit : Un article qui peut t'intéresser : FITTING A FINE BRIDGE by Lars Kirmser

http://musictrader.com/wp-content/uploa ... bridge.pdf

Luigi

Formidable! merci beaucoup
eutectique
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Re: Allégement du chevalet

Message par eutectique »

Merci Luigi pour l'article qui m'intéresse aussi beaucoup.
Geigenkaes a écrit :l'âme sert surtout à créer un nœud de vibration sur la table. D'où le placement super important par ce que ça va influer ensuite sur les modes de vibrations de la table?
Exactement
Geigenkaes a écrit :Je me demandais justement pourquoi on utilise de l'épicea pour l'âme plutôt qu'un bois plus rigide comme l'érable ou le palissandre
Je dirais que l'épicéa est choisi pour son anisotropie (comportement mécanique différent selon la direction). Le sens long est le sens des fibres du bois. Dans cette direction, il a un très grand module d"élasticité (raideur) est se déforme très peu. Il soutient donc parfaitement la table et évite justement de se transformer en ressort quand celle-ci vibre.
Dans la direction transverse, il est plus souple, cela lui permet peut-être de fléchir un peu pour suivre le mouvement de la table qui vibre, tout en restant parfaitement en contact avec celle-ci.
Geigenkaes a écrit :-Par contre dans l'hypothèse d'un âme servant de nœud de vibration, ça tient mieux la route d'utiliser un bois tendre qui va absorber la vibration localement.
J'ai réfléchi à ça mais je ne pense pas pour la raison suivante:
La vibration crée des contraintes qui déforment le matériau (bois). Un matériau peut emmagasiner une certaine contrainte, ou quantité d'énergie, sans s'endommager, cela s'appelle l'énergie élastique. Quand on relâche la contrainte toute l'énergie élastique est libéré et le matériau reprend sa forme initiale. Il n'emmagasine rien. Si on met plus de contrainte que ce que le matériau peut accepter en énergie élastique, là il commence à s'endommager par différentes façons, mais c'est irréversible. Soit il reste déformé, soit il fissure, soit il chauffe, etc...
Ce n'est pas le cas de l'âme qui ne s'endommage pas puisqu'elle reste bien en place et en pleine forme pendant des décennies.
La vibration ne donne donc qu'une énergie élastique au bois et rien n'est absorbé. Pour un matériau "absorber" rime "avec s'endommager", car en réalité l'énergie que le matériau ne restitue pas a servi à activer des mécanismes d'endommagement (rien ne se perd...)
Je ne sais pas si je suis assez compréhensible...
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Geigenkaes
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Re: Allégement du chevalet

Message par Geigenkaes »

eutectique a écrit : Je ne sais pas si je suis assez compréhensible...
Super explication! t'inquiète pas, on est du même monde, j'ai été bercé avec des lois de comportement, modèle de viscoélasticité, module d'Young, module de perte et autres termes barbares dont je suis sensé connaître les définitions :naah:

A propos d'âme et de blocage de la table en son centre. Il y a quelque temps je bricolais un proto de guitare avec table flottante (quewa???). Le principe, c'est basé une guitare à résonateur : la table est purement structurelle et n'a pas de rôle acoustique. Elle est percé en son centre d'un trou d'un vingtaine de cm de diametre. le son est amplifié par un cône en aluminium mis en vibration par le chevalet (flottant) via une pièce appelé biscuit. L'idée était d'adoucir le son très métallique de ces instruments en intercalant entre le chevalet et le biscuit une pièce d’épicéa très fine de la taille du trou, bloquée en vibration en son centre (coincé entre le chevalet et le biscuit) et qui vibrerait comme une cymbale. L'instrument est fabriqué à 50%, mais comme je suis en appartement c'est pas très pratique et ça prend énormément de temps. Le principe semble valide : on prend cette "cymbale" en epicea, on la coince entre une pointe de bois (dessous) et une tige fine tenue avec deux doigt. On frotte la tige et la cymbale résonne et amplifie le son du frottement.
Sur le même principe j'avais imaginé à l'époque un violon (ou une guitare) à table flottante. La table entière (pas uniquement un disque de 20cm) serait prise en sandwich entre le chevalet et l'âme (un peu plus costaude qu'une âme classique bien sur). La table ne serait pas donc collée aux éclisses et n'aurait aucun rôle mécanique (possibilité de faire une table extrêmement fine). Elle vibrerait comme une cymbale (libre aux bords, fixe au centre) au lieu de vibrer comme une membrane de haut parleur (fixe sur les bord, libre au centre). Bien sur, le reste du corps serait adapté pour résister aux contraintes (le manche se prolonge à l'intérieur de la caisse et supporte la flexion due aux cordes)
Je ne m'attends pas à des résultats mirobolants, c'est juste pour la culture :)
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Re: Allégement du chevalet

Message par rvh »

eh y a des gens qui touchent en RDM sur ce forum !

Perso, je pense surtout que l’épicéa est très rigide tout en étant trÈs léger. (sans y avoir plus réfléchi que ca)

Pour ta guitare, si ca t'intéresse :
http://www.spikefiddle.com/designframe.htm
Un cône remplace la table d'harmonie. J'adore le son.
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Geigenkaes
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Re: Allégement du chevalet

Message par Geigenkaes »

Magnifique! c'est un peu le principe que j'ai tenté avec une caisse taillée dans la masse :
Image
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Il reste encore pas mal de boulot pour affiner la caisse et l'alléger (1,5kg :pleur4: ) avec 2 gouges et un rabot noisette
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josef
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Re: Allégement du chevalet

Message par josef »

j'ai réussi à avoir un chevalet ancien, aussi je fais comme les apprentis je copie. Ça aide bien tout de même. ::d
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Marc Genevrier
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Re: Allégement du chevalet

Message par Marc Genevrier »

À propos des noeuds de vibration, vous pouvez regarder les animations de Martin Schleske à différentes fréquences :
http://www.schleske.de/en/our-research/ ... ation.html

On voit bien que selon la note jouée (la fréquence), le violon se déforme de façons complètement différentes et que l'âme n'est pas toujours située au niveau d'un noeud. Il serait d'ailleurs impensable qu'il y ait un noeud au même endroit à toutes les fréquences. On voit bien aussi que tous les éléments du violon participent, donc on ne comprendra pas si on considère que seule la table joue un rôle et le reste est inerte ou infiniment rigide.

L'âme sert de couplage acoustique entre la table et le fond - les éclisses le font aussi, d'ailleurs - et son rôle ne peut donc, à mon avis, pas être compris uniquement par la théorie de l'élasticité. Couplage acoustique, cela veut dire qu'un signal acoustique, donc vibratoire, est transmis et qu'évidemment, il va y avoir une réaction du destinataire et très probablement un signal de retour qui va venir interagir avec celui de départ. Ça peut donc être assez complexe. Mais pour moi, donc, il y a bien transmission de vibrations - on se demande d'ailleurs pour quelle raison elles s'arrêteraient au pied du chevalet. Or comme pour les tables, l'épicéa est le meilleur bois parce qu'il présente des propriétés acoustiques, pas seulement mécaniques, au-dessus du lot. Je ne nie pas l'avantage de sa légèreté, mais il fait surtout partie des bois qui transmettent les sons à la plus grande vitesse. Je ne serais pas surpris d'apprendre également qu'il présente un facteur d'amortissement (les pertes pendant la transmission) particulièrement faible.

Position de l'âme : la partie de bois de la table située entre le chevalet et le sommet de l'âme sert de filtre acoustique: il y a un porte à faux qui se déforme et vibre à sa manière propre, ne serait-ce que légèrement, donc avec des pertes plus ou moins importantes dans la transmission du signal. Cette explication (une parmi d'autres, OK) correspond plutôt bien avec ce qu'on observe dans la pratique sur les réglages d'âme.
Ajustage de l'âme en haut et en bas : on comprend bien que, bien ajusté, il y a moins de pertes parce que le contact se fait sur une plus grande surface et parce que l'énergie risque moins d'être perdue sous forme de mouvements parasites de l'âme (imaginez une âme qui plaque mal d'un côté et repensez aux animations de Schleske)
Serrage de l'âme : sans doute qu'en contraignant le bois plus ou moins quand on serre trop l'âme, on modifie ses qualités acoustico-élastiques et que la transmission se fait moins. Je n'ai pas d'autre explication, sauf à supposer que les pertes au niveau des deux surfaces de contact sont nécessaires au bon fonctionnement du violon, comme les pertes entre le pied du chevalet et le sommet de l'âme - ou les pertes à l'intérieur du chevalet, pour donner un autre exemple. À condition, dans tous ses exemples, que ces pertes soient parfaitement "dosées", alors que ça tient souvent à très peu de choses. Mais c'est l'art du luthier...

Rappelons enfin, comme le montrent les animations de Schleske, que tous ces paramètres et toutes ces fonctions et caractéristiques varient en fonction de la fréquence, ce qui complique encore un peu plus la compréhension que nous en avons.

Nicolo, tu as réellement lu le Leonhardt ? :blink: Je l'ai sur l'étagère, bien sûr, mais de là à le lire... ^_^
----

Pour tailler un chevalet, un site référence : http://www.violinbridges.co.uk/
Allez dans la rubrique References, je crois qu'il faut s'inscrire d'abord, mais c'est rapide et gratuit.
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josef
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Re: Allégement du chevalet

Message par josef »

merci pour le site de chevalet :super:
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Re: Allégement du chevalet

Message par rvh »

Marc Genevrier a écrit :Or comme pour les tables, l'épicéa est le meilleur bois parce qu'il présente des propriétés acoustiques, pas seulement mécaniques, au-dessus du lot. Je ne nie pas l'avantage de sa légèreté, mais il fait surtout partie des bois qui transmettent les sons à la plus grande vitesse. Je ne serais pas surpris d'apprendre également qu'il présente un facteur d'amortissement (les pertes pendant la transmission) particulièrement faible.
Je suis assez d'accord, et justement à mon avis, le fait d’être léger fait qu'il a peu d'inertie et que donc la transmission se fait rapidement. Je peux me tromper, j'ai laissé tomber les calculs de structures dès sorti de l'école ... [y a pas un facteur racine de la masse volumique dans la transmission d'un son dans un milieu ? Bref je divague.]

Pour le facteur d'amortissement, ca m'étonnerait que ce soit si simple. Du métal, genre aluminium ferait à mon avis mieux sur ce point, mais tendrait à favoriser certaines fréquences plus que d'autres, ce qui donne un son métallique (toujours mon opinion personnelle). Je pense qu'il faut un certain amortissement et que l'ame y participe.

Très intéressant par ailleurs. Mais effectivement, je pense que c'est souvent des choses très empiriques, et je suis pas sur que le fait d'essayer d'y rattacher une théorie avec souvent des approximations grossières donne vraiment des resultats corrects d'un point de vue quantitatif.
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Marc Genevrier
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Re: Allégement du chevalet

Message par Marc Genevrier »

Un mot pour compléter après réflexion, et parce que j'ai souvent le cerveau à double détente !

Ce qui me semble manquer aux explications données plus haut, et à la théorie de l'élasticité en particulier, c'est la dimension temporelle. Lorsqu'on teste une éprouvette de traction, on applique lentement une charge statique (constante et non vibratoire). On est bien loin du violon, où l'archet envoie un influx contenant plusieurs fréquences, qui se prolonge et varie dans le temps et interfère certainement avec la réaction déjà renvoyée par la caisse aux premières millisecondes du signal. On a tous entendu parler de thixotropie ou vu ces matériaux qu'on montre aux enfants, dans lesquels on enfonce facilement le pouce si on s'y prend lentement, mais qui s'avèrent bien plus coriaces si on cogne rapidement dessus ! Comme quoi la vitesse de l'excitation - analogue de la fréquence pour nos affaires de violon - peut changer aussi la nature de la réponse.
En théorie de l'élasticité, on s'intéresse à des états stationnaires, stables. Dans un violon qu'on joue, on est en permanence dans des états transitoires complexes.
(Les figures de Chladni et autres questions de noeuds/ventres rentrent bien dans le champ de la mécanique des vibrations, évidemment, mais elles ne peuvent envisager qu'une plaque seule, pas une plaque couplée à une autre par ses bords et par une âme.)

Alors je ne veux décourager personne, mais effectivement, il me semble que certaines approches un peu simples, bien que séduisantes, risquent de conduire à des conclusions erronées. Par exemple le fait de considérer l'âme comme un noeud, et je réfère pour cela à Schleske. Prenez donc ma contribution comme une incitation à aller plus loin.

Tiens, pour faire un peu de philosophie, quelqu'un s'est-il déjà intéressé à l'origine de l'âme ? ;)
Voici un article extrêmement intéressant :
http://www.christianrault.com/fr/public ... y-appeared
Parce qu'en effet, les anciens n'étaient pas bêtes. Or les instruments médiévaux à archet n'avaient pas d'âme. Alors pourquoi l'a-t-on inventée ? Parce qu'on pensait que ça allait créer un noeud de vibration ? (ils ne connaissaient certainement pas le terme, ni la théorie associée, mais leur bon sens pratique me pousse à penser qu'ils devaient sentir des choses - ils connaissaient bien les harmoniques d'une corde vibrante, non ?) Christian Rault ne répond pas directement à la question, mais on peut lire entre les lignes en essayant de suivre les origines de l'âme et ses caractéristiques initiales.
Bon, après, on peut toujours se dire aussi qu'ils ont essayé et que, comme ça marchait, ils l'ont gardée !

---

De l'aluminium dans un violon ! Non mais quoi encore ?! :D
J'ai aucune idée pour l'amortissement dans les métaux, mais un violon est fait en BOIS :D et je pense que la masse de l'alu (~7 fois celle d'un bon épicéa) serait absolument rédhibitoire.
J'ai entendu parler de différentes expériences avec des matériaux variés, mais je ne me souviens plus lesquels.
Après il y a une autre considération importante : il faut tailler l'âme pour qu'elle soit bien ajustée. En bois, on sait faire assez bien. En fibres de carbone, c'est déjà plus difficile ; en métal, j'imagine même pas ! :blink:
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Re: Allégement du chevalet

Message par eutectique »

Marc Genevrier a écrit : Ce qui me semble manquer aux explications données plus haut, et à la théorie de l'élasticité en particulier, c'est la dimension temporelle.
On n'a pas parlé d'essai de traction. L'élasticité des matériaux est le phénomène qui intervient en premier ordre dans la vibration. L'amortissement ne joue pas dans les modes propres mais dans les amplitudes. Et la dimension temporelle, tu veux dire la viscosité? J'y crois pas trop. Par contre si on commence à prendre en compte l'amortissement matériau, il faut aussi tenir compte de l'amortissement aérodynamique, qui peut être 10 fois plus grand que l'autre.
Marc Genevrier a écrit :Alors je ne veux décourager personne, mais effectivement, il me semble que certaines approches un peu simples, bien que séduisantes, risquent de conduire à des conclusions erronées. Par exemple le fait de considérer l'âme comme un noeud, et je réfère pour cela à Schleske. Prenez donc ma contribution comme une incitation à aller plus loin.
D'une part, ces théories simplistes se basent sur des bouquins sérieux dont j'ai donné les références et qui présentent ussi des figures de Chladni, d'autre part je pense que les membres qui participent à cette discussion sont tout à fait qualifiés, de par leur formation, à débattre de ce sujet de manière censée. Et justement la formation scientifique (pas juste bas S hein!) pousse toujours à aller plus loin. Evidemment les articles que tu donnes sont quelques pierres supplémentaires à l'édifice.
Marc Genevrier a écrit :Parce qu'en effet, les anciens n'étaient pas bêtes. Or les instruments médiévaux à archet n'avaient pas d'âme. Alors pourquoi l'a-t-on inventée ? Parce qu'on pensait que ça allait créer un noeud de vibration ? (ils ne connaissaient certainement pas le terme, ni la théorie associée, mais leur bon sens pratique me pousse à penser qu'ils devaient sentir des choses
Ce n'est pas incompatible avec les théories "simplistes" que l'on avance
Marc Genevrier a écrit :De l'aluminium dans un violon ! Non mais quoi encore ?! :D

Pourquoi ne pas pouvoir divaguer, comme le dit rvh? C'est comme ça que la science s'est faite, Autrement on en serait toujours à voler dans des avions avec une structure en bois et des ailes en tissus. Le violon en fibres de carbone existe mais avant sa conception, n'aurais-tu pas aussi pensé que c'est une ineptie?
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Marc Genevrier
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Re: Allégement du chevalet

Message par Marc Genevrier »

Je crois que tu m'as mal compris. Il est naturel de commencer par une approche simple et qui permette des analogies avec des choses sensibles qui nous entourent et qu'on appréhende bien. Avec ça, on peut au moins dégrossir les choses. Mais quand on se rend compte que ça ne colle pas avec les observations de Schleske, par exemple (voir aussi le projet "Strad3D"), on est bien obligé de chercher plus loin.

Le dimension temporelle: dans ce qui a été écrit plus haut sur l'âme, on a l'impression qu'elle serait exposée à une charge statique, comme en théorie de l'élasticité. Or on n'a pas une charge statique, mais une charge vibratoire avec un mélange de fréquences et d'amplitudes. Pour moi, s'il y a fréquence, il y a temps, même si je veux bien considérer ça comme un raccourci de langage.
Ensuite, je reste persuadé qu'il y a une remontée du signal, une réaction de la part de la caisse. Hormis les tout premières millisecondes (et même moins sans doute) du coup d'archet, où les vibrations ne sont pas encore remontées, on a par la suite une interaction entre le signal que continue d'envoyer l'archet et la façon dont la caisse réagit aux signaux déjà envoyés quelques millisecondes avant. On est donc dans quelque chose de fortement dynamique, d'où ma référence au temporel.

J'ai peut-être lu trop vite, mais les explications données plus haut me donnent l'impression que le fond serait considéré comme quelque chose d'absolument rigide (par ex. ce serait à l'âme de se déformer pour suivre les vibrations de la table).
Je suis sûr du contraire et, si vous n'êtes pas luthier, allez en voir un et demandez-lui qu'il vous montre un fond de violon non collé sur les éclisses. Vous sentirez bien son élasticité, sa déformabilité. D'ailleurs, les premières approches sur le fonctionnement du violon et beaucoup de traités "anciens" décrivent généralement le fond comme un ressort qui renvoie les vibrations. C'est, entre autres, à ce genre de réaction que je fais allusion ci-dessus.


Pour l'alu, je crois que tu as oublié de voir mon smiley ! ;)

Et : c'est toi qui écrit "simpliste", j'ai bien pris soin de mettre "simple" pour ne vexer personne. ^_^
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Re: Allégement du chevalet

Message par eutectique »

Marc, je te réponds non pas pour essayer d'avoir le dernier mot mais pour poursuivre cette discussion passionnante. Nous sommes pile dans mon domaine scientifique mais je ne suis pas luthier, tu es luthier il me semble? Voilà un cocktail intéressant.

Je pense vraiment que tu cherches des complications en disant que la théorie de l'élasticité seule ne suffit pas pour décrire le comportement parce que je pense que tu mélange la notion de sollicitation d'un matériau et la notion de réponse mécanique du matériau. Et aussi les notions d'oscillation libres et forcées.

La sollicitation peut être statique ou dynamique, périodique ou non. Nous sommes dans le cas d'une sollicitation périodique (dent de scie).

En réponse à une sollicitation quelle qu'elle soit, le matériau peut soit se déformer immédiatement sans retard de manière réversible ou irréversible, soit se déformer avec du retard par rapport au moment de la sollicitation, ça c'est la viscosité.

Même si la sollicitation dépend du temps, les lois qui décrivent le comportement du matériau peuvent être des lois indépendantes du temps. La théorie de l'élasticité concerne les déformations « élastiques » des solides, statiques ou dynamiques, c'est-à-dire les déformations réversibles, généralement faibles, c'est le cas par excellence des vibrations. La réponse des matériaux purement élastiques ne dépend pas du temps (ou de la fréquence, lors d'expériences dynamiques), alors que la réponse à une sollicitation d'un matériau viscoélastique dépend du temps, que ce soit en fluage ou en relaxation de contrainte. Le bois d'un instrument de musique vibre en petites déformations et tu conviendras qu'il n'y a pas de déformation irréversible puisque le violon a les mêmes dimensions avant et après un concerto. Il n'y a pas non plus de viscosité, sinon c'est
pareil, le violon finirait par se déformer en jouant. Tu parles de thixotropie mais ceci est une propriété très particulière des matériaux visqueux: sous contrainte (ou gradient de vitesse) constante, la viscosité diminue au cours du temps. Le bois est très loin de présenter cette propriété.
Marc Genevrier a écrit : les explications données plus haut me donnent l'impression que le fond serait considéré comme quelque chose d'absolument rigide (par ex. ce serait à l'âme de se déformer pour suivre les vibrations de la table).
Là c'et vrai que la phrase était mal tournée. Le fond se déforme, ça n'existe pas un matériau qui ne se déforme pas. Donc c'est en accord avec Schleske. Mais le fond et les éclisses sont en érable, la table est en épicéa. Je pense que tout cela se comporte comme un tambour, la table est la membrane, le reste la caisse du tambour. Et même la caisse du tambour vibre, mais moins que la membrane. Sur le violon, la différence table-fond est moins grande donc le fond se déforme plus que la caisse d'un tambour. Est-tu d'accord avec moi pour dire que l'érable du fond et des éclisses forment un ensemble plus rigide (pas infiniment rigide) que la table?
L'âme aussi se déforme, tout se déforme, mais très peu. Les animations de Schleske n'étudient pas l'âme, il l'a représenté par un trait mais en réalité elle est aussi une petite structure vibrante avec ses modes et fréquences propres.
Marc Genevrier a écrit :je reste persuadé qu'il y a une remontée du signal, une réaction de la part de la caisse. Hormis les tout premières millisecondes (et même moins sans doute) du coup d'archet, où les vibrations ne sont pas encore remontées, on a par la suite une interaction entre le signal que continue d'envoyer l'archet et la façon dont la caisse réagit aux signaux déjà envoyés quelques millisecondes avant.
Ca ça s'appelle de la vibration forcée par rapport à la vibration libre. Schleske établie ses figures de mode shape en oscillations libres (essai au marteau d'impact). En vibration forcée, la réponse du matériau suit d'abord un transitoire, c'est ce que tu appelles les premières millisec. En suite il s'établit un régime permanent ou les vibrations créées à l'instant t interfèrent avec celles créées à l'instant t-dt. C'est ce que tu appelles la remontée du signal.
Mais tout ceci reste de l'élasticité, je t'assure. Si tu joues une note exactement à une fréquence propre, il y a résonance et l'une des figures de Schleske est obtenue. Si l'amortissement est faible, le matériau casse (comme un pont suspendu traversé par un régiment au pas). Mais grâce au coeff d'amortissement, on peux faire vibrer le violon sur une de ses fréquences propres sans le casser. Si la fréquence de la note est différente d'une fréquence propre, la déformée du violon sera une combinaison de tous les mode shape.

Si l'on faisait une simulation numérique, on retrouverait les animations de Schleske en utilisant une loi linéaire uniquement.
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Re: Allégement du chevalet

Message par rvh »

eutectique a écrit :Si l'on faisait une simulation numérique, on retrouverait les animations de Schleske en utilisant une loi linéaire uniquement.
Ca me parait pas évident.
Le bois est un matériau hétérogène, et clairement anisotrope. Suis pas sûr que ca suive une loi de Hooke basique.

Mais effectivement c'est élastique, quant à savoir si c'est en régime libre ou forcé, le régime transitoire est probablement pas négligeable. Et l'archet a les mêmes problèmes, ce qui à mon avis rend la simulation pas triviale ...
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Re: Allégement du chevalet

Message par eutectique »

rvh a écrit : Le bois est un matériau hétérogène, et clairement anisotrope. Suis pas sûr que ca suive une loi de Hooke basique.
Cela dépend ce que tu appelles loi de Hooke classique, la loi de Hooke c'est un tenseur des contraintes représenté par une matrice
3x3, un tenseur des déformations (3x3 aussi), reliés par la matrice d'élasticité (6x6 symétrique). Dans la matrice d'élasticité on a en diagonales les modules d'élasticité traction-compression selon les 3 directions et dans les coins, les modules de cisaillement. L'anisotropie est donc entièrement décrite.
Dans n'importe quel logiciel d'éléments finis, c'est ce type de loi qu'on renseigne, pas seulement une loi uniaxiale, comme celle venant d'un essai de traction et il faut faire plusieurs essai pour l'identifier

Cela sort du sujet, mais le bois n'est pas un cas unique d'orthotropie, il suffit de prendre une pièce en métal forgé et la texture créée par la forge donne une anisotropie. C'est une chose qui est très bien modélisée en calcul de structures, et y'a pas tant de structures que ça qui s'effondrent, donc les calculs sont plutôt justes... ;)
Dernière modification par eutectique le mar. 29 juil. 2014 22:23, modifié 2 fois.
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