Je ne peux pas hiérarchiser les différents violonistes car chacun a son mérite dans différentes œuvres, il n'existe pas un violoniste qui joue bien tout!
Donc, je mets dans le désordre en justifiant:
-Adolf Busch, dont la valeur artistique est inestimable. Que ce soit en musique de chambre en famille (trios, quatuors, meilleurs enregistrements de tou les temps) ou en soliste, il est toujours dans le juste chemin. Il est issu de la tradition romantique brahmsienne essentiellement. C'était une véritable boule à neurones, il étudiait la partition à chaque nouveau morceaux, l'analysait, décortiquait les moindres passages. En définitive, lorsqu'on entend son Concerto de Brahms, on se dit que les autres peuvent aller se coucher. Il joue le concerto de Beethoven comme un Dieu sous la direction de son frère Fritz (lui aussi un Dieu de la direction d'orchestre). Sa performance du concerto de Dvorak est difficile à entendre car la justesse et la technique sont approximatives mais il respecte son objectif: la musique avant tout, cet enregistrement reste même avec ses défauts exceptionnels (à noter qu'il était âgé et malade). Quand à sa Chaconne de Bach... la première fois que je l'ai entendu, j'avais les larmes aux yeux alors que je pensais que Szeryng avait atteint le sommet. Busch enterre directement Szeryng en nous présentant une atmosphère d'une spiritualité sans précédent et... enfin, je ne trouve pas de mots, il y a tout. C'était aussi un grand spécialiste de Bach, il a enregistré tous les concertos Brandebourgeois. Pour finir, j'ajouterais qu'il a enregistré la 1ère et 3ème sonate de Brahms (je n'ai jamais trouvé d'enregistrements de la 2ème

) avec son gendre Rudolf Serkin, ces deux enregistrements resteront inégalés....
-Fritz Kreisler, l'élégance réduit à l'état de pureté. Je suis absolument subjugué de ne pas avoir vu son nom dans ce forum car il est l'un des principaux piliers de l'art du violon. Il ne faut pas seulement connaître ses compositions mais il faut connaître le violoniste. Ah! il y aurait tant de choses à dire à son sujet, tellement il avait de qualités. Il est bon dans tout, il parvient à donner l'élégance nécessaire à chaque morceaux et quel style il avait! le viennois! On ne peut pas confondre le son de son violon, il est comparable à aucun autre. J'ai une admiration folle pour ce violoniste qui fût mon favori pendant des années et qui le reste quand même avec tous ceux que je vais citer.
-Georg Kulenkampff, là encore l'élégance prime. L'homme qui a crée le concerto de Schumann pour violon (avec Hindemith), son sens du phrasé est unique. Il a un son très spécial et un style purement d'autrefois. Il est incontestablement l'un des meilleurs, il savait tout ce qu'il ne fallait pas faire car il était le plus grand pédagogue de son temps à Berlin, donc tous les petites erreurs qui peuvent nous échapper, Kulenkampff ne les faisaient pas, il connaissait la musique comme personne. SOn concerto de Tchaikovsky est le meilleur que j'ai pu comparé parmi une cinquantaine de versions. Son concerto de Schumann est, bien entendu, le meilleur enregistrement de tous les temps pour l'œuvre. J'insiste sur le point que son sens du phrasé est tellement de bon goût, musical, sans chichis et dénoué de toutes les plus absurdes excentricités que les violonistes d'aujourd'hui se permettent d'avoir tout en ayant une personnalité rare et sensible. Artiste incomparable...
-Ginette Neveu, l'expression! c'est le mot qui me vient à l'esprit, la couleur du son Neveu. Elle est incontestablement l'une des plus grands violonistes. Tout ce qu'elle joue est toujours profondément expressif, passionné... l'élève de Carl Flesch aimait aussi comme Josef Hassid former son propre diapason descendant. Ce qui donnait une pâte sonore d'une douceur infinie. Etc... il y aurait tant à dire sur elle, sa disparition est l'une des plus grandes tragédies du monde musical. Son Concerto de Sibelius est insurpassable.
-Jacques Thibaud, le violon personnifié, un peintre du son, son inspiration naturelle l'a toujours conduit vers une performance dont il détenait le génie. Sa sonate de Franck avec Corot au piano est la meilleure version de tous les temps, même s'il y a des défauts techniques etc... ils font ressentir à eux deux ce que personne n'a su faire, simplement magique.
-Henryk Szeryng, je l'aime beaucoup pour les raisons que l'on connaît, je l'aime beaucoup dans Brahms. Pour tout vous dire, c'est le violoniste avec lequel je me sens le plus proche, j'ai un jeu dans la corde comme ça avec un archet des 3 m de long mais je ne pourrai jamais dans ma vie ne serait-ce qu'égaler ces deux qualités.
-Zino Francescatti, il ne m'a jamais déçu, l'un des plus beau son, sa brillance m'a toujours ébloui. Il est surtout bon dans Saint Saens et Lalo. Son concerto N°3 de St Saens est le meilleur, de très loin! Par contre, contrairement à ce que j'ai pu voir précédemment, je ne conseille pas ses enregistrements américains (malheureusement en supériorité) car je trouve que les orchestres américains l'ont toujours entraîné dans la vitesse et donc parfois il existe un petit manque d'expression car ça va trop vite. A cette époque, il fallait faire des produits, donc ce ne sont pas des enregistrements réellement travaillés et pourtant... Zino est toujours étincelant même si je pense qu'il aurait pu faire encore mieux.
-Mischa Elman, jouer vite, c'est facile mais jouer lentement, c'est ce qu'il y a de plus difficile. C'est la leçon qu'on retient lorsqu'on entend Elman. Prendre le temps de s'exprimer, comme disait mon parrain, grand pianiste français "ceux qui jouent vite n'ont rien à dire", Mischa Elman avait un style du 19ème, violoniste fabuleux.
-George Enesco, le magicien du son. Son poème de Chausson est l'un des meilleurs (malheureusement accompagné par un pianiste très médiocre), il était possedé par la musique. Lorsque j'écoute son enregistrement de sa propre 3ème sonate accompagné par son filleul, un certain Dinu Lipatti... j'en ai des frissons. Je n'ai pas vu son nom sur ce forum... je ne comprends pas pourquoi, encore un pilier essentiel de l'art du violon.
La liste est longue et il est tard, j'aime aussi Heifetz avec moins de ferveur que les précédents mais quand même. Je connais + de violonistes que j'aime que de violonistes que je déteste (oui, c'est la vérité). Tout est dans la recherche et la patience à la recherche de la perfection.