Vibrato et pré-requis
Publié : ven. 20 nov. 2020 12:24
Bonjour,
Je voulais poster cet article dans les ressources pédagogiques, mais le groupe étant verrouillé je poste donc ici.
Je tenais à faire un point sur les pré-requis nécessaires (j'entends bien "indispensables", et pas "conseillés") pour aborder le vibrato.
Je vois trop souvent des apprentis violonistes, qu'ils soient autodidactes ou ayant un prof, essayer d'apprendre le vibrato tous seuls dans leur coin, et en quelques heures foutre en l'air des mois voir des années de travail car ils n'étaient pas encore prêts pour ça.
Je n'ai pas pour habitude de refuser des élèves, j'ai aussi bien des débutants que des professionnels, des enfants de jeune age comme des personnes relativement âgées (50/60ans), des gens en bonne santé comme des personnes handicapées (notamment dyspaxiques), et tout se passe bien. Il n'y a que 2 cas où je suis amené à refuser un élève : quand je sens que la motivation ne vient pas de l'élève mais des parents, et le second cas c'est quand l'élève est un autodidacte qui s'est amusé à apprendre tout seul le vibrato et à persisté plusieurs mois. Dans ce second cas le travail est tellement laborieux pour corriger le tir que j'estime qu'il n'en vaut pas la peine, et je conseille plutôt de changer d'instrument. Sachant que j'arrive à enseigner le violon à des personnes souffrantes de troubles pathologiques de la coordination motrice, je vous laisse vous faire une idée de la difficulté relative au second motif de refus...
Bref venons-en aux faits.
En violon nous passons la majeure partie de notre formation à construire des moules, basés sur la mémoire kinesthésique (mémoire physique de la sensation, du geste, de la position) et les réflexes auditifs.
Jouer du violon exige de coordonner une multitude de paramètres, que le cerveau serait totalement incapable de gérer de façon consciente. Essayez de dessiner un triangle avec une main, et en même temps un carré avec l'autre main, sans interrompre les gestes, et vous verrez le résultat... Il ne s'agit pourtant que de 2 choses très simples. Imaginez donc en gérer une 30aine...
Pour ce faire, il n'y a donc qu'une seule solution, c'est la répétition de ces gestes, de ces actions, de ces réflexes, encore et encore et encore jusqu'à ce qu'ils soient parfaitement intégrés, et qu'ils puissent s’exécuter des façon automatique, inconsciente.
Or il n'y a pas de secret, pour ça il faut du temps. Ce n'est pas seulement une question de temps de travail quotidien, mais de recul sur sa pratique dans le temps. Gardez à l'esprit que aussi étrange que ça puisse vous paraître, le processus d'apprentissage se fait la nuit, pendant que nous dormons (et non ça ne sert à rien de travailler la nuit au lieu de dormir en espérant progresser plus vite
). C'est le cerveau qui va faire le tri dans les informations intégrées, les classer, les relier... Ceux qui jouent depuis plusieurs années ont forcément remarqué ce phénomène, en passant des heures toute une journée sur un trait ou une difficulté particulière sans arriver à en venir à bout, et le lendemain tout se débloque "comme par magie". Il ne sert donc à rien de penser que vous allez progresser plus vite parce-que vous travaillez 8h par jour que si vous n'en faisiez qu'une.
Oubliez donc de suite l'idée de vouloir apprendre le vibrato au bout d'un an sous prétexte que vous travaillez plus que votre voisin qui l'a appris au bout de 5ans en travaillant 5 fois moins...
Nous disions donc que nous utilisons des moules, qui vont conditionner la justesse, la qualité du son, l’exécution de diverses techniques...
Or le vibrato vient changer radicalement la position et le comportement de la main gauche (et donc va forcément impacter la main droite par action symétrique, rappelez-vous le triangle et le carré), et de ce fait si ces moules ne sont pas suffisamment solides (j'entends par là acquis comme automatismes), c'est donc la justesse qui va foutre le camps, ainsi que la prise de son et le reste. L'ensemble va donc nécessiter une concentration spécifique qu'il sera impossible de répartir sur ces différents points.
Outre le fait que le résultat escompté ne sera pas atteint, ce qui va se passer si l'élève persiste sera bien pire que ça : il va inscrire de nouvelles sensations en remplacement (et non pas en complément) des sensations de jeu normal qui n'étaient pas encore acquises, et c'est là qu'il sera quasiment impossible de faire machine arrière.
Imaginez-vous construire une maison, passer des jours à faire le plans, mesurer l'emplacement et la rectitude des murs, puis quand vous faites votre mortier pour faire les murs vous posez votre toiture avant même que vos murs n'aient durcit. Peu importe le temps que vous avez passé à faire vos plans, vos murs vont s'affaisser et plus rien ne sera droit, ne temps n'y changera rien. C'est pareil ici.
Voici ce que je considère comme étant les pré-requis INDISPENSABLES à la mise en place du vibrato.
Ces conditions n'engagent que moi, mais ils résultent de l'enseignement et des observations de grands pédagogues du violon (Dounis, Auer, Flesch...) ainsi que de mon expérience personnelle avec plusieurs centaines d'élèves.
Je peux les classer en 3 groupes : ceux qui relèvent de la position, ceux qui relèvent du mécanisme, et ceux qui relèvent de la justesse.
Positionnements :
généraux :
_ posture globale stable
_ aucune raideur / tension musculaire
_ aucune douleur en fin de travail
_ violon bien tenu entre la clavicule et la mâchoire
_ violon tenu à plat ou idéalement légèrement en montée (volute à hauteur de la lèvre supérieure)
_ orientation du violon optimisée en fonction de la longueur des bras
_ inclinaison du violon maitrisée et adaptée au type d'épaulière si utilisée (ni trop à plat, ni trop incliné)
_ épaules basses, détendues et libres (extrêmement important)
_ dos droit
bras/main gauche :
_ coude sous le violon
_ dos de la main dans l'axe de l'avant-bras
_ pouce détendu, absence TOTALE de crispation (extrêmement important)
_ placement du pouce optimisée en fonction de la morphologie
_ doigts arrondis
_ point de contact avec la corde maitrisé
_ doigts au-dessus des cordes quand ils ne sont pas utilisés
_ quand le second doigt est écarté du premier, AUCUN contact entre ces deux doigt, notamment à la base de l'articulation
_ pas de crispation de la main sur le manche (pas de pince...)
_ conservation de la forme des doigts quand ils ne jouent pas (ne pas replier ou étendre les doigts)
bras/main droite (rappelez-vous le triangle/carré, tout ce qui se passe à gauche interfère directement à droite et inversement) :
_ tenue d'archet souple, absence totale de crispation, notamment du petit doigt
_ placement des doigts optimisé en fonction de la morphologie
_ hauteur du coude toujours en adéquation avec la main
_ archet toujours dans l'axe
_ point de contact maitrisé (savoir jouer distinctement aux 5 emplacements principaux, du chevalet à la touche)
_ pouce arrondi dans le bon sens
Mécanismes :
_ maitrise des jeux de levier/pression entre le pouce gauche, l'épaule gauche et le poids de la tête
_ changements de cordes côté main gauche effectués par bascule du coude gauche, sans bouger les doigts ni déformer la main
_ pose et retrait des doigts effectués avec la 1ère articulation (jonction 1ère phalange/métacarpe)
_ parfaite coordination des doigts et des coups d'archets, quelque-soit le tempo
_ changements de cordes côté archet effectués avec le haut du bras, et pas l'avant-bras
_ ouverture du coude droit maitrisée
_ arrondit du poignet droit maitrisé au talon
_ maitrise de l'inclinaison de la mèche
_ maitrise des coups d'archets basiques (legato, staccato, spiccato, martelé, louré...)
_ maitrise du poids d'archet en tout point, être capable d'exécuter un coup d'archet de bout en bout en restant à 1cm au-dessus des cordes
_ maitrise de la relation pression / vitesse / point de résonance
_ maitrise du saut de corde (passer de sol à mi sans entendre ré/la et sans lever l'archet)
_ maitrise des nuances
_ maitrise du trille
_ maitrise des différentes attaques
_ maitrise des 3 principaux types de démanchés
_ être capable d'exécuter des notes de longue durée (15s minimum par archet) en gardant un son homogène
_ être capable de garder un son propre sur le grand détaché (80 à la noire en utilisant tout l'archet)
Justesse :
Pas besoin de vous faire un dessin.
Mettez votre violon en place, placez directement votre 3ème doigt sur le ré corde la, et jouez sur la corde ré et la en même temps, pour faire sonner l'octave. Enlevez le violon et la main, puis recommencez 10 fois de suite. Si une seule fois l'octave ne sonnait pas juste à l'oreille, vous n'êtes pas prêts.
Même exercice en plaçant la main directement en 3ème position 2ème doigt sur le la corde ré, et en jouant l'unisson avec la corde la à vide.
Si un seul de ces points n'est pas validé, c'est qu'il est encore trop tôt pour apprendre le vibrato, et il faudra au préalable corriger le défaut.
Voilà j'espère ne rien avoir oublié, et avoir été suffisamment clair dans mes explications, n'hésitez pas à poser des question ou faire des remarques
Je voulais poster cet article dans les ressources pédagogiques, mais le groupe étant verrouillé je poste donc ici.
Je tenais à faire un point sur les pré-requis nécessaires (j'entends bien "indispensables", et pas "conseillés") pour aborder le vibrato.
Je vois trop souvent des apprentis violonistes, qu'ils soient autodidactes ou ayant un prof, essayer d'apprendre le vibrato tous seuls dans leur coin, et en quelques heures foutre en l'air des mois voir des années de travail car ils n'étaient pas encore prêts pour ça.
Je n'ai pas pour habitude de refuser des élèves, j'ai aussi bien des débutants que des professionnels, des enfants de jeune age comme des personnes relativement âgées (50/60ans), des gens en bonne santé comme des personnes handicapées (notamment dyspaxiques), et tout se passe bien. Il n'y a que 2 cas où je suis amené à refuser un élève : quand je sens que la motivation ne vient pas de l'élève mais des parents, et le second cas c'est quand l'élève est un autodidacte qui s'est amusé à apprendre tout seul le vibrato et à persisté plusieurs mois. Dans ce second cas le travail est tellement laborieux pour corriger le tir que j'estime qu'il n'en vaut pas la peine, et je conseille plutôt de changer d'instrument. Sachant que j'arrive à enseigner le violon à des personnes souffrantes de troubles pathologiques de la coordination motrice, je vous laisse vous faire une idée de la difficulté relative au second motif de refus...
Bref venons-en aux faits.
En violon nous passons la majeure partie de notre formation à construire des moules, basés sur la mémoire kinesthésique (mémoire physique de la sensation, du geste, de la position) et les réflexes auditifs.
Jouer du violon exige de coordonner une multitude de paramètres, que le cerveau serait totalement incapable de gérer de façon consciente. Essayez de dessiner un triangle avec une main, et en même temps un carré avec l'autre main, sans interrompre les gestes, et vous verrez le résultat... Il ne s'agit pourtant que de 2 choses très simples. Imaginez donc en gérer une 30aine...
Pour ce faire, il n'y a donc qu'une seule solution, c'est la répétition de ces gestes, de ces actions, de ces réflexes, encore et encore et encore jusqu'à ce qu'ils soient parfaitement intégrés, et qu'ils puissent s’exécuter des façon automatique, inconsciente.
Or il n'y a pas de secret, pour ça il faut du temps. Ce n'est pas seulement une question de temps de travail quotidien, mais de recul sur sa pratique dans le temps. Gardez à l'esprit que aussi étrange que ça puisse vous paraître, le processus d'apprentissage se fait la nuit, pendant que nous dormons (et non ça ne sert à rien de travailler la nuit au lieu de dormir en espérant progresser plus vite

Oubliez donc de suite l'idée de vouloir apprendre le vibrato au bout d'un an sous prétexte que vous travaillez plus que votre voisin qui l'a appris au bout de 5ans en travaillant 5 fois moins...
Nous disions donc que nous utilisons des moules, qui vont conditionner la justesse, la qualité du son, l’exécution de diverses techniques...
Or le vibrato vient changer radicalement la position et le comportement de la main gauche (et donc va forcément impacter la main droite par action symétrique, rappelez-vous le triangle et le carré), et de ce fait si ces moules ne sont pas suffisamment solides (j'entends par là acquis comme automatismes), c'est donc la justesse qui va foutre le camps, ainsi que la prise de son et le reste. L'ensemble va donc nécessiter une concentration spécifique qu'il sera impossible de répartir sur ces différents points.
Outre le fait que le résultat escompté ne sera pas atteint, ce qui va se passer si l'élève persiste sera bien pire que ça : il va inscrire de nouvelles sensations en remplacement (et non pas en complément) des sensations de jeu normal qui n'étaient pas encore acquises, et c'est là qu'il sera quasiment impossible de faire machine arrière.
Imaginez-vous construire une maison, passer des jours à faire le plans, mesurer l'emplacement et la rectitude des murs, puis quand vous faites votre mortier pour faire les murs vous posez votre toiture avant même que vos murs n'aient durcit. Peu importe le temps que vous avez passé à faire vos plans, vos murs vont s'affaisser et plus rien ne sera droit, ne temps n'y changera rien. C'est pareil ici.
Voici ce que je considère comme étant les pré-requis INDISPENSABLES à la mise en place du vibrato.
Ces conditions n'engagent que moi, mais ils résultent de l'enseignement et des observations de grands pédagogues du violon (Dounis, Auer, Flesch...) ainsi que de mon expérience personnelle avec plusieurs centaines d'élèves.
Je peux les classer en 3 groupes : ceux qui relèvent de la position, ceux qui relèvent du mécanisme, et ceux qui relèvent de la justesse.
Positionnements :
généraux :
_ posture globale stable
_ aucune raideur / tension musculaire
_ aucune douleur en fin de travail
_ violon bien tenu entre la clavicule et la mâchoire
_ violon tenu à plat ou idéalement légèrement en montée (volute à hauteur de la lèvre supérieure)
_ orientation du violon optimisée en fonction de la longueur des bras
_ inclinaison du violon maitrisée et adaptée au type d'épaulière si utilisée (ni trop à plat, ni trop incliné)
_ épaules basses, détendues et libres (extrêmement important)
_ dos droit
bras/main gauche :
_ coude sous le violon
_ dos de la main dans l'axe de l'avant-bras
_ pouce détendu, absence TOTALE de crispation (extrêmement important)
_ placement du pouce optimisée en fonction de la morphologie
_ doigts arrondis
_ point de contact avec la corde maitrisé
_ doigts au-dessus des cordes quand ils ne sont pas utilisés
_ quand le second doigt est écarté du premier, AUCUN contact entre ces deux doigt, notamment à la base de l'articulation
_ pas de crispation de la main sur le manche (pas de pince...)
_ conservation de la forme des doigts quand ils ne jouent pas (ne pas replier ou étendre les doigts)
bras/main droite (rappelez-vous le triangle/carré, tout ce qui se passe à gauche interfère directement à droite et inversement) :
_ tenue d'archet souple, absence totale de crispation, notamment du petit doigt
_ placement des doigts optimisé en fonction de la morphologie
_ hauteur du coude toujours en adéquation avec la main
_ archet toujours dans l'axe
_ point de contact maitrisé (savoir jouer distinctement aux 5 emplacements principaux, du chevalet à la touche)
_ pouce arrondi dans le bon sens
Mécanismes :
_ maitrise des jeux de levier/pression entre le pouce gauche, l'épaule gauche et le poids de la tête
_ changements de cordes côté main gauche effectués par bascule du coude gauche, sans bouger les doigts ni déformer la main
_ pose et retrait des doigts effectués avec la 1ère articulation (jonction 1ère phalange/métacarpe)
_ parfaite coordination des doigts et des coups d'archets, quelque-soit le tempo
_ changements de cordes côté archet effectués avec le haut du bras, et pas l'avant-bras
_ ouverture du coude droit maitrisée
_ arrondit du poignet droit maitrisé au talon
_ maitrise de l'inclinaison de la mèche
_ maitrise des coups d'archets basiques (legato, staccato, spiccato, martelé, louré...)
_ maitrise du poids d'archet en tout point, être capable d'exécuter un coup d'archet de bout en bout en restant à 1cm au-dessus des cordes
_ maitrise de la relation pression / vitesse / point de résonance
_ maitrise du saut de corde (passer de sol à mi sans entendre ré/la et sans lever l'archet)
_ maitrise des nuances
_ maitrise du trille
_ maitrise des différentes attaques
_ maitrise des 3 principaux types de démanchés
_ être capable d'exécuter des notes de longue durée (15s minimum par archet) en gardant un son homogène
_ être capable de garder un son propre sur le grand détaché (80 à la noire en utilisant tout l'archet)
Justesse :
Pas besoin de vous faire un dessin.
Mettez votre violon en place, placez directement votre 3ème doigt sur le ré corde la, et jouez sur la corde ré et la en même temps, pour faire sonner l'octave. Enlevez le violon et la main, puis recommencez 10 fois de suite. Si une seule fois l'octave ne sonnait pas juste à l'oreille, vous n'êtes pas prêts.
Même exercice en plaçant la main directement en 3ème position 2ème doigt sur le la corde ré, et en jouant l'unisson avec la corde la à vide.
Si un seul de ces points n'est pas validé, c'est qu'il est encore trop tôt pour apprendre le vibrato, et il faudra au préalable corriger le défaut.
Voilà j'espère ne rien avoir oublié, et avoir été suffisamment clair dans mes explications, n'hésitez pas à poser des question ou faire des remarques
