Page 1 sur 3

Petite étude des méthodes d'humidification du violon

Publié : sam. 19 mars 2011 00:22
par isabelg
Il y a quelques mois, ne parvenant pas à faire partager mes réticences au sujet du dampit, je vous ai dit avoir l'intention de lancer une petite étude personnelle sur l'humidification du violon... La voici arrivée à son terme et, si ça peut intéresser certains d'entre vous: en voici les résultats!

Pour commencer, voici le mode opératoire. J'ai utilisé pour l'expérience un violon en attente d'être restauré que j'avais déjà ouvert: j'en ai profité pour pouvoir y placer un data logger (capteur des valeurs de températures et humidité relative (HR) qui enregistre les données toutes les 5 minutes, qu'on charge sur un programme et visualise ensuite sous forme de graphique ou relevés ponctuels), puis je l'ai refermé pour la durée de l'expérience avec des bandes élastiques. Pour comparer les valeurs de l'intérieur du violon avec l'extérieur de celui-ci, j'ai placé également un capteur dans l'étui à côté du violon, relié à un autre dans la pièce où il se trouvait en permanence et sur lequel je pouvais voir les valeurs des deux.

J'ai fait de multiples essais:
- avec et sans dampit (avec des fréquences de réhumidification différentes: tous les jours, tous les deux jours, trois jours, une fois par semaine...)
- humidification de l'étui ou non par une mousse humide, avec et sans dampit dans le violon
- Prosorb conditionné à 50% d'HR (le Prosorb est un gel de silice "évolué" compensant les fluctuations en absorbant et rejetant l'humidité pour maintenir l'espace concerné à un niveau d'HR déterminé à l'avance) dans le violon (sous forme d'un tube que j'ai fait à l'image du dampit et que j'entrais par un f), et/ou dans l'étui (en sachet)
- le tout avec des sorties et retours du violon dans l'étui
J'ai consigné l'heure de chaque modification d'état et relevé à chaque fois les valeurs d'HR de la pièce et dans l'étui (le violon restant fermé avec son data logger dedans). Puis une fois l'expérience terminée j'ai analysé les relevés graphiques en les comparant avec les changements d'état correspondants.
De manière générale l'humidité de la pièce dans laquelle était le violon était de +/- 30-35% d'HR, atmosphère sèche qui a renforcé les écarts observés avec les différentes méthodes d'humidification.

Je ne vais pas commenter chaque situation, mais ce qu'il en est ressorti principalement: une confirmation de ce que j'imaginais des effets du dampit, et une déception face à ce que j'espérais trouver avec le prosorb.

Le dampit: l'HR intérieure du violon subit de grandes variations avec lui si on ne l'utilise pas avec une régularité monacale. Une fois humidifié et placé dans le violon, j'ai observé (dans les conditions de l'expérience bien entendu) que si celui-ci ne sort pas de son étui, son HR interne baisse de 6% par 24h les 2 premiers jours, puis de 3% le 3ème, 2% le 4ème, 1% le 5ème, date à laquelle il est revenu à l'HR de l'étui (voir 1er graphique ci-dessous). Pendant ce temps l'HR de l'étui, qui a légèrement augmenté avec la mise en place du dampit, reste assez stable. Il y a donc:
- un changement d'humidité notable dans le violon en 24h déjà
- un contraste assez fort entre l'HR interne et l'HR externe du violon (de 12% le 1er jour dans ce cas)
Plus impressionnant: lors d'une 1ère mise en place du dampit, ou de sa réhumidification après un assèchement complet, l'HR interne du violon fait un bond, que j'ai observé allant jusqu'à 11% d'augmentation en moins d'un quart d'heure (2ème graphique)
J'ai également observé des traces d'humidité au niveau du contact entre le dampit et le fond du violon, même en séchant bien la surface du dampit.

Le Prosorb: j'avais l'espoir qu'il puisse remplacer tout autre mode d'humidification, par un système d'une forme analogue au dampit (des billes de prosorb dans un tube souple), ou inséré dans un tube rigide en prolongation du bouton du cordier. Mais ce produit ne fonctionne de manière autonome que dans un espace hermétiquement fermé, ce qui n'est pas le cas du violon. Il compense donc les variations d'HR interne sur une courte durée (une sortie d'une heure en atmosphère sèche), mais pas plus. J'aimerais tester mieux à une autre occasion son association avec un humidificateur type Stretto dans l'étui, pour qu'il se recharge en humidité pendant que le violon est dans l'étui, et en ait assez pour le rejeter plusieurs heures dans le violon quand celui-ci est sorti. Mais je crains que de toute façon, le poids de ces billes représente un problème pour la sonorité du violon. A explorer...

La mousse dans l'étui reste un bon système, mais ça provoque aussi des montées et descentes d'HR un peu rapides pour l'extérieur du violon quand on le met et le sort de l'étui, tandis que l'intérieur reste sec (très faible augmentation d'HR).

Bref, mes conclusions personnelles sont que le dampit est un système qui demande une grande rigueur. Il est sûrement valable pour un musicien professionnel qui est constamment avec son violon, doit le jouer dans des lieux secs mais pense à le réhumidifier toutes les 12h... et fait le choix de ne jamais le retirer du violon (si encore on ne prend pas en considération les risques de moisissures). Mais sinon, ça me semble être bien pire de l'utiliser que de laisser son violon dans une atmosphère sèche mais stable. Surtout quand on le laisse une semaine dans son étui et qu'on lui refourre au retour des vacances un dampit gorgé d'eau: avec un traitement pareil à coups répétés, un bracelet en ivoire par exemple exploserait, une icône en bois finirait rapidement par se fendre: c'est dire la résistance de la structure d'un violon, car je ne doute pas que la majorité des utilisateurs de dampits ne s'astreignent pas à une telle rigueur... Mais je me demande combien de temps il peut accuser de tels chocs. Ca m'intéresserait donc beaucoup d'avoir l'avis de nos luthiers sur la question. Le violon est-il apte à s'adapter à ces changements d'humidité? Est-ce que la différence d'HR entre l'intérieur et l'extérieur du violon (renforcée par le vernis qui fait barrière) ne provoque pas une mise en tension dangereuse pour le bois?

Tout choix étant à replacer dans le contexte d'usage du violon: s'il bouge beaucoup d'un lieu à l'autre avec des atmosphères très différentes, s'il reste presque toujours dans la même pièce... Pour ma part je crois que je vais me borner à essayer de maintenir une meilleure humidité dans la pièce où je joue et garde mon violon, sans excès pour qu'il n'ait pas trop de variations quand il sort: il me semble que c'est encore le traitement le plus sain... et le plus simple....


Image

Image

Re: Petite étude des méthodes d'humidification du violon

Publié : sam. 19 mars 2011 06:31
par Briel
Très intéressant et...scientifiquement rigoureux.
Merci Isa :)

Re: Petite étude des méthodes d'humidification du violon

Publié : sam. 19 mars 2011 07:23
par Pif-paf
Whaou ça c'est bien ;)

Re: Petite étude des méthodes d'humidification du violon

Publié : sam. 19 mars 2011 08:04
par pjtuloup
Merci beaucoup pour ce test décisif ! Je me suis toijours interrogé sur ces dispositifs et je crois que la question est désormais tranchée...

Re: Petite étude des méthodes d'humidification du violon

Publié : sam. 19 mars 2011 10:49
par isabelg
Non non ce n'est pas du tout un test décisif, ni destiné à démonter un produit utilisé depuis des décennies! comme je le disais, tout dépend de l'usage qu'on en fait, et peut-être que mes inquiétudes ne sont pas justifiées en raison de l'élasticité de la structure d'un violon, déjà étudiée pour résister à bien d'autres forces qui sont exercées sur lui quand on le joue. C'est pourquoi je serais vraiment intéressée d'avoir un retour de la part de luthiers, et notamment sur l'importance à accorder ou non à cette différence d'humidité qu'on provoque entre intérieur et extérieur du violon avec ce système. Est-ce que le vernis laisse correctement le bois bouger quand on l'humidifie de l'intérieur, est-ce qu'avec ce système on n'annule pas cette propriété de protection contre les variations climatiques que le vernis exerce quand celles-ci se produisent dans l'atmosphère entourant le violon... Et du coup ça m'intéresserait aussi de comprendre mieux les conséquences sur le son du violon, puisque le dampit semble utilisé par les professionnels surtout pour compenser l'atmosphère sèche de salles de concert: on a sûrement fait des tests sur l'humidité idéale intérieure et extérieure (et le rapport entre les deux) du violon pour le son?

Re: Petite étude des méthodes d'humidification du violon

Publié : sam. 19 mars 2011 11:04
par pjtuloup
Décisif pour moi, en tout cas ! J'ai les mêmes inquiètudes que vous et je trouve inutile d'ajouter des contraintes et donc des risques à tout ce que l'instrument doit déjà supporter, et qui me semblent personnellement aller à l'encontre du but poursuivi. Certes, ces dispositifs sont utilisés, mais je me demande si c'ets en toute connaissancede cause: il ne me semble pas avoir eu connaissance de tests comme le vôtre.

Re: Petite étude des méthodes d'humidification du violon

Publié : sam. 19 mars 2011 18:47
par IFred
Remarques:

=>un contraste assez fort entre l'HR interne et l'HR externe du violon
Je ne sais pas exactement ce que tu mesures mais l'intérieur du violon n'est pas vernie l'extérieur est vernie l'eau ne peux pas être absorbée à l'extérieur

=>Lors d'une 1ère mise en place du dampit, ou de sa réhumidification après un assèchement complet, l'HR interne du violon fait un bond, que j'ai observé allant jusqu'à 11% d'augmentation en moins d'un quart d'heure
Cela montre bien que cela fonctionne et vite

=>l'HR intérieure du violon subit de grandes variations avec lui si on ne l'utilise pas avec une régularité monacale. Une fois humidifié et placé dans le violon, j'ai observé (dans les conditions de l'expérience bien entendu) que si celui-ci ne sort pas de son étui, son HR interne baisse de 6% par 24h les 2 premiers jours
Non mais lol quoi ? tu as mesurée la quantité d'eau qu'il y a dans un Dampit tu espérais quoi un système de diffusion qui dure 3 mois, seulement 6% de baisse sur 24 heures c'est plutôt bon comme résultat pour une mitigation de 10 points

Conclusion, le Dampit agit vite et permet de mitiger 10 points d'humidité dans les conditions du test, l'eau s'évapore ...

Re: Petite étude des méthodes d'humidification du violon

Publié : sam. 19 mars 2011 20:33
par isabelg
IFred a écrit : b]Remarques:[/b]
=>un contraste assez fort entre l'HR interne et l'HR externe du violon
Je ne sais pas exactement ce que tu mesures mais l'intérieur du violon n'est pas vernie l'extérieur est vernie l'eau ne peux pas être absorbée à l'extérieur
je mesure l'humidité ambiante extérieure, celle à laquelle est exposé l'extérieur du violon, le vernis en effet, qui donc fait barrière à une régulation naturelle du bois entre l'humidité intérieure et l'humidité de la pièce. Je n'ai pas mesuré l'humidité du bois lui-même
=>Lors d'une 1ère mise en place du dampit, ou de sa réhumidification après un assèchement complet, l'HR interne du violon fait un bond, que j'ai observé allant jusqu'à 11% d'augmentation en moins d'un quart d'heure
Cela montre bien que cela fonctionne et vite
oui, ça personne ne l'a mis en doute, je lui reproche de fonctionner justement trop bien et trop vite
Non mais lol quoi ? tu as mesurée la quantité d'eau qu'il y a dans un Dampit tu espérais quoi un système de diffusion qui dure 3 mois, seulement 6% de baisse sur 24 heures c'est plutôt bon comme résultat pour une mitigation de 10 points
moi je n'espérais rien, mais vous sembliez dire que les variations étaient minimes, et de croire ce que disent les présentations commerciales: qu'il régule l'humidité. 10% de variation en moins d'une heure, c'est énorme, ce sont des conditions inacceptables pour la conservation d'oeuvres, pour me référer à mon domaine. Un violon est par contre un objet usuel, raison pour laquelle je vous demande votre sentiment sur les conséquences physiques sur lui
♫♫♫ a écrit : mais pour moi il manque l'essentiel (je suis chiant hein ? :diable: ) quels effets sur le son, et les risques de fractures?
tu n'es point chiant du tout, le but de ce test est d'avoir des bases pour une discussion et tu poses les questions que je pose moi-même
l'humidité relative c'est une chose, mais l'assimilation de l'humidité par le bois en est une autre, et même si elle est liée à l'hr,
c'est bien entendu en prenant en compte l'assimilation du bois qu'on établit les valeurs de référence
l'humidité relative varie elle-même rapidement en conditions naturelles, elle peut passer de 30 à 90% en moins d'une heure,
:hehe: oui, en cas d'inondation subite de ton appartement! et encore ça dépassera difficilement 70%
puis pour les moisissures, il faudrait vraiment garder un taux monstrueux (au-delà de 95%) en permanence dans un étui fermé, ce qui est possible dans une cave, mais pas avec un dampit.
60% suffisent largement, et la zone de contact entre dampit et bois est forcément à un niveau plus élevé

Re: Petite étude des méthodes d'humidification du violon

Publié : sam. 19 mars 2011 23:39
par pierre
de l'immersion d'une bulle de rigueur scientifique en milieu artistique saturé... j'adore.
Une étude passionnante Isa, merci. Il me tarde de connaitre l'avis de Jépadçon et Buxus (s'ils en ont un) sur la question. En tout cas ça semble poser une solide base de réflexion, reste à voir ce que donnera la confrontation de l'empirique et du théorique.
Isabelg a écrit :c'est bien entendu en prenant en compte l'assimilation du bois qu'on établit les valeurs de référence

Peux-tu préciser ce que tu entends par là ?

Re: Petite étude des méthodes d'humidification du violon

Publié : dim. 20 mars 2011 00:17
par isabelg
pierre a écrit :
Peux-tu préciser ce que tu entends par là ?
ce que je veux dire c'est que les valeurs climatiques idéales pour un matériau donné sont justement fonction de leur réactivité à ces conditions de température et d'humidité. Le bois (comme le papier, l'ivoire et l'os, le cuir, les fibres textiles) absorbe et rejette l'humidité, et donc se gonfle et rétracte. De manière générale le taux d'humidité où il s'épanouit le mieux est autour de 55% d'HR, mais c'est surtout la stabilité qui lui convient: il préfèrera rester peinard à 35% que de passer son temps à pomper et dépomper: au bout d'un moment le coeur lâche et il se fend. Ca c'est un fait établi pour des objets tels que peintures sur panneau, sculptures de tout type et de tout bois. Et encore plus quand le bois est associé à un autre matériau dont les valeurs d'HR idéales sont différentes; par exemple un sabre avec manche en bois (55% d'HR), lame de métal (30% d'HR) et fourreau de cuir (50%) : on privilégiera alors une humidité basse pour le métal avec une bonne stabilité pour les autres. Le cas du violon est particulier car il s'agit d'un assemblage d'épaisseurs de bois très fines, et il a l'avantage que la colle peut lâcher avant le bois pour libérer la tension.
Peut-être que pour satisfaire les uns et les autres, ma prochaine expérience sera de prendre deux violons bas de gamme, en soumettre un à une sècheresse intense, et un autre à des variations répétées, pour voir lequel tient le plus longtemps! :D

Re: Petite étude des méthodes d'humidification du violon

Publié : dim. 20 mars 2011 00:37
par jépadçon
Super intéressant, dès que j´ai le temps, je mets mon grain de sel (hydrophile)

Re: Petite étude des méthodes d'humidification du violon

Publié : dim. 20 mars 2011 00:41
par isabelg
Ca m'intéressera beaucoup d'avoir ton opinion! En attendant, bon copeautage! :D

Re: Petite étude des méthodes d'humidification du violon

Publié : dim. 20 mars 2011 19:57
par Gérard
Bonjour

En habitant 1/3 de mon temps à Marrakech, je me suis posé la question. J'ai pris un Dampit. 50° à l'ombre + la clim qui assèche tout...

Finalement dans ces périodes caniculaires: Dampit + Etui BAM...une fois que j'ai joué je ferme l'étui...

Je n'ai pas eu de casse depuis 3 ans 1/2

A+

Re: Petite étude des méthodes d'humidification du violon

Publié : dim. 20 mars 2011 23:24
par jépadçon
♫♫♫ a écrit :60% c'est le taux moyen dans appartement en europe, et je ne vois pas pour autant des moisissures se développer sur mon mobilier...
La semaine dernière à Oslo, j´avais 17% dans ma chambre! :(

Re: Petite étude des méthodes d'humidification du violon

Publié : dim. 20 mars 2011 23:30
par pierre
tricheur, ça compte pas, un hôtel c'est pas un appartement! :mrgreen: