Bravo Mamifly, c'est super de s'enregistrer
Comme tu le disais à Claire, je partage aussi tes moments de souffrance dans cette sonate... Je vais essayer de te proposer quelques pistes de réflexion (à voir si ça va avec ce que tu veux
entendre , cf plus bas), j'espère que ce qui t'intéressera parmi mes propos pourra t'aider dans ton travail.
Tous ces conseils que je vais te lister, c'est ceux que j'essaie de mettre en oeuvre dans mon travail. Et au final, même en sachant ce que je veux (et qui est donc loin d'être forcément quelque de conseillable à quelqu'un qui ne voit pas le mouvement comme ça), c'est super dur d'arriver à ce résultat... J'en suis encore très très très loin, pour l'instant, nous essayons avec mon amie pianiste de mettre les notes, à peu près le rythme, un son potable, quelques intentions musicales ici et là, et beaucoup de courage pour oser m'aventurer là dedans

C'est pour ça que s'enregistrer à froid, ça peut être pas mal. Tu vois, en situation d'urgence, ce qui est en place, qui est à mettre en place, les réflexes que tu as pu acquérir, les défauts qui traînent... Et avoir, comme dit Claire, une vision de ce qui est à travailler...
C'est vrai que je fais beaucoup de reprises d'archet dans le thème, mais je trouve que finir en tirant chaque motif (fin de motif légère) suivi d'une croche puis retirer (commencer le nouveau motif), ça permet de donner quelque chose de plus frais, moins statique et plus aérien. Du coup, je te conseillerai d'essayer de débuter la reprise en tirant également
Pour les croches, tu fais beaucoup de faux accents, aux changements d'archet, parfois au milieu... Comme l'a dit Claire au-dessus, ça devrait beaucoup plus "embrasser" la corde. Quelque chose de fluide dans le mouvement, sans à-coups. Tu peux regarder sur mon enregistrement, on voit jamais de geste brusque sur les croches, il faut qu'on ait l'impression (comme sur les traits en double avec les sfz au milieu, en bas de la 1ère page), que tu tires un long ruban de façon super uniforme.
Une prof m'a dit, il faut limite le jouer par coeur en se faisant discret, et en tant que tel (autant visuel que d'un point de vue sonore), il faut que ça ait l'air "facile" (pas d'à-coups, de vitesse d'archet inopinée, de changement de corde avec changement d'angle du coude de 45°), plutôt quelque chose de lisse comme un fil de funambuliste avec un léger ascenseur du bras droit, qui fait des aller-retours entre le RDC et le dernier étage. Pour trouver ce calme "à l'écran", peut-être essayer de moins bouger, dis-toi qu'un fil est accroché entre la volute de ton violon et un point fixe du mur (ça facilitera le travail de l'archet du coup).
Pour le cresc. sur double cordes, il faut essayer de mieux projeter le son, faire quelque chose de plus percussif, quelques mesures qui permettent de rompre avec la monotonie de l'accompagnement.
A 1:10, tu devrais avoir un son beaucoup plus aérien et ne pas donner d'accent, peut-être commencer moins fort, pour qu'on entende un crescendo qui amène au si, que tu dois essayer de contrôler sans bavure ni grosse vitesse d'archet (une noire, jolie, sans trop d'archet).
Autour de 1:15, tu devrais beaucoup plus marqué les sfz, on est fortissimo à ce moment là, on attend quelque chose de presque percussif, suivi d'une délicate descente en croches un peu inquiétante. Pour t'aider à obtenir le decrescendo et une arrivée plus douce, je te conseille le coup d'archet suivant tu pousses les quatre premières croches (sol fa# sol fa#) puis tu tires les 5 notes suivantes (fa mi mib ré do), on veut pas un accent, juste qu'elle soit dessinée dans l'archet et posée, et là tu seras à la pointe, il faudra juste revenir au talon. Visuellement, ça permet d'éviter l'impression que l'archet va deux fois moins vite et d'avoir un son statique suivi d'un gros do.
Pour la série de blanches sf qui suit, essaie d'obtenir plus de contraste, de surprise, suivi d'un piano subito limite exagéré (peut être quelque chose de moins collé aussi). Pour ces blanches, pourquoi pas en 1ère position avec un mi à vide, on obtiendrait quelque chose de beaucoup plus pêchu, d'osé, de brillant, et on peut vibrer (parce que le 4ème doigt en 3ème c'est pas la meilleure configuration).
Pour la deuxième série, attention, ce n'est pas du tout la même dynamique, on a un sf mais pas de p sub, on doit rester jovial, suivi de l'arrivée de ce mib inquiétant. Pour les coups d'archet, j'aurais fait autre chose (mib en bas tiré, mib fa sol sol lié), qui permet d'avoir de l'élan dans ce passage particulièrement "élastique" en terme d'archet. Pour le sf qui suit, j'imagine un peu plus d'audace et un noire vraiment piquée. Pareil pour ce qui suit. De manière générale, essaie d'éviter d'allonger les noires de fin. Visuellement, ça donne de l'acrobatie du bras droit pour revenir au talon, ça te fait faire des accents mais surtout la note a l'air de ne pas être bien définie.
Moins d'archet, mais plus de densité dans le son, du grain.
Pour la main droite, essayer d'avoir un spiccato bien contrôlé pour ne pas avoir l'impression de faire un mouvement de balancier un peu dur ou sec, il faut de façon générale essayer d'arrondir les changements d'archet et de corde, d'avoir plus de contrôle sur ce que fait l'archet (sinon on a l'impression d'avoir un mouvement d'essuie-glace de voiture).
En fait, mieux contrôler l'archet pourrait te permettre pour une même longue d'archet de faire beaucoup plus varier l'intensité, de faire les sf et avoir un son moins "au-dessus de la corde", quelque chose de plus en dedans, plus gras. Limite, il faut sentir chaque crin frotter la corde et ne pas en laisser une miette filer sans contrôle.
A l'inverse pour les gammes en double croches en va-et-vient, un peu plus d'élan dans l'archet peut être, j'ai même parlé d'un léger stringendo... Sentir une sorte de bourrasque de vent au milieu d'un paysage calme énoncé au tout début du morceau.
Pour les triolets, on est f, personnellement (je n'ai jamais écouté d'enregistrement de cette sonate...), j'imagine quelque chose de plus fou, plus élastique, plus détaillé au niveau de la distance détaché lié par 2, avec beaucoup d'élan et d'air frais.
Chez Beethoven, le plus dur est de comprendre le texte (beaucoup de nuances, d'articulations particulières...). Il faut avoir pour soi une belle palette de couleur, de coups d'archet (perso j'ai une technique d'archet assez peu variée encore, du coup toute cette démarche, je vais la vivre avec toi

). Il faut un archet mobile, élastique, avec de la vitesse, mais en même temps pas d'à-coups, de *blurp* (quand on a l'impression d'avoir le mal de mer à cause d'une vitesse d'archet trop importante à un moment inattendu), et des nuances en rapport avec le contexte (un cresc dans le p qui mène à un mf c'est pas pareil qu'un cresc dans le f vers un ff par ex...). Du coup pour la main droite, peut être bien identifir les places d'archet pour chaque note.
Je dirai que pour cette sonate, il faut savoir ce que l'on veut entendre, et trouver le geste qui va avec (et pas l'inverse).
Et fatalement, si tu fais cette réflexion, tu verras que visuellement, ton archet sera beaucoup plus serein quand les passages sont doux, frétillant quand ça s'excite et molletonné pour les passages en croches d'accompagnement.
Je dois t'avouer que j'ai du mal à entendre les nuances, et c'est assez bizarre quand on suit avec la partition sous les yeux... (Dans ma vidéo, avec une caméra à 1m, tout paraît trop fort

)
Pour la suite, mon ordinateur fait des caprices pour charger la vidéo
En espérant que ça puisse t'aider...