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JUSTICE. Un luthier biarrot est accusé par une vieille dame âgée de 91 ans d'avoir subtilisé un violon de valeur, un Leidolff de 1757 qui appartenait à son fils aujourd'hui décédé
Le sanglot long des violons
Une vieille dame de 91 ans, tente de récupérer le violon de son fils. (Photo « so »)
Une vieille dame de 91 ans, tente de récupérer le violon de son fils. (Photo « so »)
La victime est une vieille dame dans la peine. Aujourd'hui âgée de 91 ans, elle a tenu à assister à l'audience correctionnelle jeudi. Avec un but : « qu'on me rende le violon de mon fils ». Mission impossible : l'instrument, un violon de concert de valeur, a disparu et le prévenu, un artisan luthier de 38 ans qui a longtemps exercé rue de Chassin à Biarritz, n'a pas fourni à la barre les explications espérées.
En décembre 2005, alors qu'elle vient de perdre son fils unique, musicien depuis son enfance, cette octogénaire bayonnaise voit arriver chez elle un luthier venu lui présenter ses condoléances. À cette occasion, cet homme qu'elle connaît vaguement, se fait confier le violon du fils décédé, un bel instrument de concert. Il s'agit d'un Leidolff de 1757. Les spécialistes apprécieront. La vieille dame veut en faire estimer le prix et le vendre par le réseau d'amis musiciens de son fils.
Vulgaire violon d'étude
Lorsque quelques jours plus tard, le luthier vient lui restituer l'instrument et son estimation de prix, l'étui ne contient plus un violon exceptionnel mais un Mirecourt, vulgaire violon d'étude du XXe qui vaudrait dans les 2 000 euros. Or, entre-temps, la vieille dame a rangé les papiers de son fils. Elle y a découvert une attestation de valeur du Leidolff estimé à 13 500 euros et datée de deux mois avant la disparition de son fils par le même luthier... Elle ne tarde pas à faire part de ses doutes au procureur de la république : le luthier a pris le Leidolff et l'a remplacé par un instrument dont la valeur est bien moindre.
Un seul violon
Quatre ans après cet épisode, le luthier était jugé jeudi pour abus de confiance. À la barre comme durant l'enquête, il nie absolument avoir subtilisé le Leidolff. « La dernière fois que j'ai vu le Leidolff, c'est après l'avoir remis en état pour son propriétaire qui était venu le chercher dans mon atelier. Lorsque je suis allée chez sa mère, je n'ai pas vu cet instrument, c'est un violon d'étude qu'elle m'a demandé d'estimer. »
Problème : le musicien n'avait qu'un seul violon.
Deuxième problème, en 2008, une autre mamie, septuagénaire celle-là a aussi eu maille à partir avec ce luthier pour un échange d'instrument au moment d'une estimation. Les sommes en jeu ne sont plus les mêmes et le luthier a remboursé sa cliente qui n'a pas porté plainte. Le parquet lui, n'a pas oublié cette deuxième affaire.
L'enquête confiée à l'antenne de Police judiciaire de Bayonne a cherché, s ans succès, à localiser le Leidolff. Des transactions pour un montantqui approcherait les 13 000 euros ont eu lieu à la même période entre le luthier biarrot et un violoniste de renommée internationale. « Je lui ai vendu deux archets de famille » a expliqué le luthier à la barre. Le violoniste a confirmé.
Toutes ses explications font tordre le nez de la mamie. Pour la présidente qui expose cette affaire d'abus de confiance, l'un des deux ment et tout porte à croire que ce n'est pas la mamie...
Le procureur, convaincu de sa culpabilité, tente de montrer les contradictions et approximations du prévenu, son flou artistique en matière de gestion : ses registres n'étaient pas à jour et s'il l'étaient, c'était au crayon à papier... Il demande qu'il soit condamné à huit mois de prison avec sursis et 15 000 euros d'amende.
L'avocat concède que son client est trop négligent pour mener des affaires correctement mais il n'a jamais pris le Leidolff dans les conditions qu'on lui reproche. La plaidoirie, qui vise la relaxe, s'applique à démontrer l'absence d'éléments matériels. À l'écouter, on en viendrait presque à douter que ce fameux violon ait jamais existé !
Le jugement a été mis en délibéré au 28 janvier.
Auteur : Véronique Fourcade
Sympa le luthier de Biarritz!
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