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la question de l'interprétation...

Publié : jeu. 14 juin 2007 02:30
par luz
Ce sujet me tient à coeur, je ne savait pas trop où le caser dans le forum...
Et comme ça risque d'être très spéculatif, je ne sais pas si ça va interesser grand monde... mais je tente!

Je me demandais quelle place tenait l'interprétation dans votre conception et votre pratique de la musique; simple curiosité...
Déjà, pour vous, interpréter un morceau, qu'est-ce que ça implique? Qu'est-ce que ça signifie pour vous?
Est-ce important, y pensez vous quand vous travaillez un morceau, ou pensez vous que c'est quelque chose d'accessoire, réservé aux pros, aux virtuoses, aux grands techniciens?
Votre methode d'apprentissage du violon laisse t-elle une place à l'interprétation? Et si c'est le cas, vous encourage t-on à interpréter à votre manière, ou à la manière d'un autre?

Je crois que ce sujet n'a pas vraiment été abordé sur le forum. Et pourtant, je crois que c'est une question que tout musicien finit par se poser, au même titre que toutes les questions d'ordre plus technique qui sont plus souvent abordées...

en tous cas, c'est une question qui me taraude vraiment, personnellement...
:huh:

Si je vois que la question interesse du monde et fait débat, j'écumerai un peu le net histoire de trouver des trucs interressants sur le sujet...
Si je suis casse-nouille avec mes questions pseudo-philosophiques faites le moi savoir -_-

Publié : jeu. 14 juin 2007 03:00
par Kermit
Pour moi (qui suit "débutante"), l'interpretation à sa place. Et depuis quelques temps, étant donner que la technique commence a rentrer, je pense que je fais pas mal de progres dans l'interpretation. Mes morceaux ne sont plus aussi "plats" et "chiants" que ca a pu l'etre au début. :D

Ensuite, savoir si je la travaille ... Oui je pense un peu. Car lorsque j'attaque un nouveau morceau, en general je regarde beaucoup la partition et je chante ce que j'aimerai entendre au final. Et ensuite quand il est temps de le bosser réellement, je travaille d'abord la technique (pour voir les difficultés) et quand je commence à avoir le morceau (ou plutot des bouts de morceau) dans les doigts alors la je commence à voir l'interprétation.

Avec ma prof, on le bosse aussi. Elle me demande comment moi je l'entend et comment faire pour que je réussisse a reproduire sur mon violon.

Mais je pense que l'interpretation est quelques chose de tres personnel! Ca sert à rien de "copier" une autre personne. Il faut juste que ce qu'on joue "nous parle" et savoir ou on doit aller.

Publié : jeu. 14 juin 2007 06:05
par melocoton
De mon point de vue de débutant, moi aussi je pense le bosser et ma prof me le fait bosser. Ca passe d'abord par la recherche d'un beau son, par le jeu des nuances. Ensuite, on essayer de rendre les choses mélodiques quand elles doivent l'être, ou joyeuse ou alors penser le morceau à la mesure pour qu'il soit plus allant.. tout ca sont des choses simples mais qui pour moi font un début d'interprétation et auquel j'attache de l'importance.... On en discute souvent avec ma prof. Et comment tu vois ceci, ou cela.... A mon avis l'interprétation doit avoir sa place dès le début de l'apprentissage.

Publié : jeu. 14 juin 2007 06:34
par luz
Je trouve que vous avez pas mal de chance, parce que tous les profs n'ont pas cette approche du problème...

JAMAIS, en 9 ans de cours, je n'ai vraiment parlé d'interprétation avec mes profs.
Un morceau étaient considéré comme bien joué lorsqu'il était techniquement maitrisé, le son beau et les nuances respectées, en gros. Mais jamais on ne m'a demandé "toi, tu le sens comment"; je me souviens même qu'avec ma dérnière prof, l'interprétation était un truc prédéfini, auquel il ne fallait pas toucher; il y avait une interprétation "idéale" (celle d'un grand concertiste) vers laquelle il fallait tendre; mais alors, rien ne devait depasser de ce carcan étroit: il fallait imiter au mieux le "modèle"...
Mais bon, je ne vais pas ruminer encore mes vieilles rancoeurs...

Avec le recul, je crois que l'interprétation est essentielle; c'est ce qui fait que nous cessons d'être de simples "techniciens" ; c'est ce qui l'humanise, c'est ce qui nous implique personnellement, intimement dans ce qu'on est en train de jouer...
Et puis c'est ce qui fait vivre un morceau, c'est une re-création; c'est ce qui fait que Bach n'appartient pas aux archives de l'histoires de la musique: n'importe quelle sonate continue de vivre, à son histoire propre, son évolution propre grace aux multiples réinterprétations...

Publié : jeu. 14 juin 2007 07:37
par Alcyd
luz a écrit :Avec le recul, je crois que l'interprétation est essentielle; c'est ce qui fait que nous cessons d'être de simples "techniciens" ; c'est ce qui l'humanise, c'est ce qui nous implique personnellement, intimement dans ce qu'on est en train de jouer...
Et puis c'est ce qui fait vivre un morceau, c'est une re-création; c'est ce qui fait que Bach n'appartient pas aux archives de l'histoires de la musique: n'importe quelle sonate continue de vivre, à son histoire propre, son évolution propre grace aux multiples réinterprétations...
Exactement, c'est tout à fait comme ça que je vois le problème ! Personnellement, j'ai la chance d'avoir un prof qui partage cette vision, et qui est de plus très ouvert ! Il me laisse faire mes choix, et les respecte. En général, l'argument "c'est comme ça que je le sens" suffit à le convaincre. Il me conseille bien sûr, mais il me guide plus qu'il ne me dirige... ^_^

Tu parlais de profs qui considèrent une interpétation donnée comme étant l'idéal : je pense pas que ça ait beaucoup de sens... Une interprétation n'est "bonne" que si elle parle à l'auditeur. Le seul juge de l'interprétation, c'est l'émotion : certaines peuvent toucher plus de monde que d'autres, mais de là à décréter une interprétation comme universellement bonne... :unsure:

C'est cet aspect individuel, voire individualiste, qui me paraît primordial : une interprétation ne peut être jugée que par celui qui écoute, et ce jugement n'est pas généralisable. La musique est avant tout personnelle.

C'est cet aspect aussi qui me fout la trouille chaque fois que je dois jouer en public : un morceau que je maîtrise techniquement, je suis capable de stresser comme un malade au moment de le présenter rien qu'à l'idée que ce que je vais jouer puisse être ennuyeux, voire désagréable. :wacko:

Publié : jeu. 14 juin 2007 15:26
par luz
Personnellement, j'ai la chance d'avoir un prof qui partage cette vision, et qui est de plus très ouvert !
toi aussi tu as de la chance!... Tu es bien tombé!

Pour moi, quand je joue, l'interprétation coincide avec l'émotion: c'est quand j'ai l'impression de m'engager personnellement, de m'apporprier le morceaux que la palette d'émotion par lesquelles on peut passer en jouant s'ouvre; et, effectivement, c'est quand on interprète qu'une connection émotionnelle (positive ou négative, d'ailleurs) se fait avec l'auditeur.
Je connaissait un gamin qui était exellent technicien mais qui n'avait jamais eu le "frisson" en jouant, en partie parce qu'on ne lui avait pas appris à être à l'écoute de ce genre de choses. Sans ce frisson, la musique ne sert à rien...

tenez: un petit lien, pour illustrer le fait que l'interprétation d'un même morceau est toujours historiquement datée, ancrée dans une époque:
http://yannickta.free.fr/blog/index.php ... n-musicale

Publié : jeu. 14 juin 2007 17:48
par melocoton
Ca me rappelle une petite expérience qui s'est passé l'année dernière au moment des repet piano-violon pour un exam.
Une ado, d'un (très) bon niveau déja répétait devant l'autre prof de violon (pas son prof de toute l'année). JE l'ai écouté et son truc, c'était vraiment bien mais il manquait quelque chose dont j'étais incapable de dire quoi.

Une fois terminé, le morceau impeccable au niveau justesse, rythme, coup d'archets, nuances... Rien à dire.

Et là le prof lui dit : "Pourquoi tu prends des cours de violon" ?
La nana un peu déstabilisée... " pour apprendre à jouer du violon"
prof "et tu te fais plaisir en jouant, tu aimes ca?"
nana "ba oauis"
prof : "et ba on a vraiment l'impression que ca te fais chier de jouer ! Ton morceau est techniquement impeccable, juste.... et tout et tout, mais tu oublie l'essentiel : faire de la musique et jouer. Quand on t'écoute, malgré que ce soit techniquement parfait, on se fait chier et on n'a pas envie de t'écouter. Alors si tu aimes jouer, fait toi plaisir et fais nous plaisir. A ton niveau, certes la technique doit y être nickel mais tu dois aussi jouer ce morceau à ta sauce et c'est plus ca qu'on attend de toi "

Voilà en gros la conversation. Une fois que le prof eu dit ca, j'ai compris que ca manquait de vie son truc. Elle a recommencé en se faisant plaisir et là, c'était tout autre chose. Une merveille ! :wub: Le prof était tout content, et la nana aussi. Elle a finalement eu mention TB !

L'interprétation est primordiale...

Publié : jeu. 14 juin 2007 18:19
par jim
Jolie histoire :wub:
Y en a qui osent tout simplement pas se lancer et se faire plaisir, peut-être...

Publié : jeu. 14 juin 2007 18:33
par melocoton
Y en a qui osent tout simplement pas se lancer et se faire plaisir, peut-être...
Peut être oui mais en l'occurence je ne pense pas car c'était une simple repet et elle connait le prof depuis un bout de temps même si ce n'est pas SON prof. Je pense qu'elle s'était focalisée sur la technique et qu'elle en avait oublié le reste, mais je peux me tromper ... faudrait lui demander :tongue:

Publié : dim. 17 juin 2007 00:39
par renaud
Certainement, c'est très vite fait de se focaliser sur la technique. Surtout pour un examen... En plus, le violon est très demandant de ce point de vue-là.

Plusieurs remarques sur la question de départ.

Tout d'abord l'"interprétation" est une notion à préciser. Très souvent on accepte comme une preuve de personnalité le fait qu'on ose jouer "à sa façon". C'est en partie vrai et ce n'est qu'une partie du chemin.

L'oeuvre porte en elle une richesse qu'il est d'abord important de comprendre et de révéler. Comprendre les articulations, les points d'appuis, les résolutions, le caractère, le rôle de chaque note et la compréhension globale (les grandes directions). Le style, aussi.

Plus un compositeur est grand, et plus sa musique est riche, fine, profonde, etc...
La personnalité de celui qui joue est aussi une richesse.

Mais les deux richesses combinées? Elles peuvent aller dans le même sens, ou se combattre. Et se contenter de dire "c'est ma vision" peut être une bonne excuse pour ne pas aller voir plus loin, et ne pas découvrir la pièce dans ses moindres détails.
Exemple: le mouvement lent du 3ème concerto de Mozart, joué avec un vibrato "tzigane", et beaucoup de rubato. Cela peut bien sonner, on peut respecter en disant "c'est son interprétation", et si le violoniste est connu, on le dira avec encore plus de conviction, surtout si l'on n'est pas soi-même un fantastique virtuose.
Mais est-ce adapté à la pièce? Et est-ce vraiment une question de "mode"?

Pour ce qui est de la place dans mon enseignement (attention, il y a Luz quii regarde!!!), il y a deux dimensions à distinguer:

1) Le fait d'"oser" faire ce qu'on ressent, ce qui est toujours bien en soi. C'est un atout, mais il faut voir "au service de quoi?"
2) Ce qu'on ressent soi-même, ce qui n'est pas la dernière vérité, car on peut ne pas avoir pris conscience de tel ou tel aspect de la pièce, ne pas avoir remarqué une modulation, par exemple, ne pas avoir compris la place de tel passage dans l'ensemble de la pièce... ce qui est le cas le plus fréquent!!!

On ne peut faire, ou en tout cas "avoir envie de faire", que quelque chose que l'on entend, que l'on ressent. Il s'agit donc pour moi d'abord d'orienter l'écoute vers ce qui a échappé à celui ou celle qui joue.
Et de lui apprendre comment le faire, s'il y a une limite technique.

Comme cela touche aux émotions, c'est normal qu'il puisse y avoir un "blocage" dans l'expression, une peur ou une timidité. Il faut la dépasser, mais ne pas s'en contenter.

Car celui qui ose davantage (dire, faire...) n'a pas forcément raison. On peut le consater dans la vie de tous les jours, et même dans la vie politique....

Publié : dim. 17 juin 2007 00:55
par pierre
renaud a écrit :est-ce vraiment une question de "mode"?
tu me semble être passé un peu vite sur cette notion, Renaud, elle contient sa part d'essentiel, non ?

Publié : dim. 17 juin 2007 16:01
par renaud
En général, ce qui caractérise une "mode" est précisément ce qui ne touche pas vraiment à l'essentiel.

C'est même précisément pour cela que la mode change...

Publié : dim. 17 juin 2007 16:40
par pierre
renaud a écrit :En général, ce qui caractérise une "mode" est précisément ce qui ne touche pas vraiment à l'essentiel.

C'est même précisément pour cela que la mode change...
pas d'accord Renaud, il y a des questions de filiations qui entrent en jeu, des questions d'améliorations techniques (ô combien ces dernières années) qui permettent d'autres évaluations de l'oeuvre, sinon autant la figer une fois pour toutes, n'est ce pas ? des questions de médias aussi aujourd'hui qui ont tendance à standardiser du fait de la grande diffusion permise, des questions de recherches musicologiques (baroqueux) etc... qui toutes font partie à un titre ou un autre de ce que l'on peut englober dans cette appellation, un peu outrée j'en conviens, de "mode"

Publié : dim. 17 juin 2007 17:28
par luz
du débat! du débat! du débat!

héhéhé, j'ai eu ce que je voulais ;)


plus sérieusement:
- Renaud, merci mille fosi d'avoir poser la question du "qu'est-ce qu'interpréter", ça s'imposait; peut être que je me rapprocherait un peu de ce que tu as pu dire en definnisant l'interprétation (réussie!...) comme le point de convergeance entre la connaissance (théorique, mais en dernier lieu pratique) de l'oeuvre (ses articulations, son cheminement, etc...) et l'engagement, la parti pris personnel du musicien dans l'execution du morceau...

-Est-ce qu'il y a vraiment des "effets de mode" en matière d'interprétation (plutôt péjoratif, en général, comme dénomination), ou s'agit t'il plutot, comme tu le dis pierre, d'une succession "d'améliorations techniques (ô combien ces dernières années) qui permettent d'autres évaluations de l'oeuvre"...etc...? Je ne sais pas trop quoi en penser...

Publié : dim. 17 juin 2007 17:45
par pierre
luz a écrit :-Est-ce qu'il y a vraiment des "effets de mode" en matière d'interprétation (plutôt péjoratif, en général, comme dénomination), ou s'agit t'il plutot, comme tu le dis pierre, d'une succession "d'améliorations techniques (ô combien ces dernières années) qui permettent d'autres évaluations de l'oeuvre"...etc...? Je ne sais pas trop quoi en penser...
écoute des enregistrements historiques et fais-toi une opinion...
écoute diverses interprétations d'hier et autant d'aujourd'hui et fais-toi une opinion...